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2021 - Après un tiers de siècle...

Sauvée des oubliettes

La plaquette avec le nouveau logo de l'Epad
Cette publication a été réalisée en septembre 1988 pour les fêtes du trentenaire de La Défense sous le nom de "30 ans 30 événements". Elle a été éditée à 100.000 exemplaires par l'établissement public d'aménagement de la région de La Défense (EPAD). Rapidement épuisée la plaquette a été actualisée et rééditée en septembre 1991 sous le nom de "Histoire et histoires" en 150.000 exemplaires supplémentaires en plusieurs langues. 

Menacée de disparition, je publie aujourd'hui cette plaquette sur Internet afin qu'elle puisse être retrouvée et à nouveau consultée. J'y raconte à grands traits l'Histoire de ce quartier en trente étapes importantes. Cette histoire (grand H) est complétée par des petites histoires, des anecdotes que j'ai recueillies auprès de ceux qui ont créé La Défense.

Le format a une explication. Ouvert, ce document fait 30 x 30 cm, en relation avec le titre 30 ans 30 évènements. De plus, ce format carré a été voulu en correspondance avec la Grande Arche cubique qui était en construction en 1988 (voir ici). 

Donner des racines au lieu et une identité au projet

Gérard de Senneville a été nommé Directeur général à l'EPAD en décembre 1987. Il avait été nommé pour mettre fin à la mission de l'EPAD qui avait été créé pour 30 ans. A contrario, il a fait repartir cet organisme sur de nouveaux projets, en particulier poursuivre le grand axe derrière l'Arche vers la Seine. Ayant travaillé ensemble auparavant, Gérard de Senneville m'a demandé d'être son chargé de communication. Cette brochure avait un but inscrit dans une stratégie générale: donner des racines et une identité historique à ce lieu. Les 22.000 habitants de l'époque ont tous reçu ce document. La brochure a ensuite été distribuée au Point Info installé sur le Parvis en 1988.

Il fallait aussi donner une identité forte à  l'EPAD, cet organisme trop discret et souvent critiqué. C'est pourquoi la première action a été de créer un logo pour être reconnu et tout signer. Cette première plaquette (suivie par d'autres), ainsi que le Point Info et le Musée de La Défense que j'ai créé avec le service des archives, ont contribué à redonner une place entière à l'EPAD dans son rôle premier de réalisateur de ce nouveau quartier de Paris.


Patrick DEMEYER
(Février 2021)

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English version


Présentation de "Histoire et histoires"
(Inauguration du Point Info. 1991. P. Demeyer à g.)

Saved from oblivion 

This publication was produced in 1988 for the 30th anniversary celebrations of La Défense under the name "30 years 30 events". It has been published in 100,000 copies by the public development establishment of the La Défense region (EPAD). Quickly out of print, the brochure was updated and reissued in 1991 under the name of "History and stories" in an additional 150,000 copies in several languages. 

Threatened with disappearance, I am now publishing this brochure on the Internet so that it can be found and consulted again. I tell you in broad strokes the history of this district in thirty important stages. This History (big H) is completed by short stories, anecdotes that I collected from those who created La Défense. 

The format has an explanation. Opened, this document is 30 x 30 cm, in relation to the title "30 years 30 events". In addition, this square format was desired in correspondence with the Great cubic Arch which was under construction in 1988. 

Give roots to the place and an identity to the project 

Gérard de Senneville was appointed Director General at EPAD in 1987. He had been appointed to end the mission of EPAD which had been created for 30 years. On the contrary, he made this organization start again on new projects, in particular to continue the main axis behind the Arche towards the Seine. He asked me to be his communications manager. This brochure had a goal inscribed in a general strategy: to give roots and a historical identity to this place. The 32,000 inhabitants of the time all received this document. 

It was also necessary to give a strong identity to the EPAD, this too discreet and often criticized organization. This is why the first action was to create a logo to be recognized and to sign everything. This first brochure (followed by others), as well as the Info Point and the Musée de La Défense that I created with the archives service, helped give EPAD a full place in its primary role as a director. of this new district of Paris.

Patrick Demeyer
(2021, February)

  

-   Vous pouvez lire cette plaquette par deux pages ouvertes ci-dessous   -


1931 - Que faire à La Défense ? Premier concours



PREMIER CONCOURS D'ARCHITECTURE - MARS 1931


Un axe royal, impérial et triomphal


Une nuit de 1606, Henri IV rentrait de son château de Saint-Germain-en-Laye. Il faillit se noyer avec la reine dans son carrosse qui tomba du bac de Neuilly. Il décida alors de faire construire vers 1621 un pont en bois, le pont de Neuilly.

Celui-ci fut remplacé en 1772 par un autre pont en pierre. Perronet, son ingénieur, le situa exactement dans l'axe des Champs-Elysées. Dans son prolongement, au sommet de la butte de Chantecoq fut tracé un rond-point de même diamètre que la place de l'Etoile : le futur rond-point de La Défense. La grande perspective des Tuileries avait enfin franchi la Seine.

Un destin à tendance militaire a toujours marqué cet axe. Napoléon 1er voulut en faire une Voie Impériale avec pour commencer, un Arc de Triomphe, puis une avenue baptisée "de la Grande Armée” en 1846.

Plus tard, Napoléon III fit édifier la statue de son aïeul au milieu du Rond-point de Chantecoq qui devint place Impériale.

En 1883, la statue de “la Défense de Paris” fut installée sur ce socle. Elle glorifiait les héros parisiens du siège de 1870. Le projet de Voie “Impériale” fit place en 1912 à celui de Voie “Triomphale”, plus républicaine. 

 

Prémices d'urbanisme

L'aménagement de la Porte Maillot suscita un premier concours d'idées en 1929. De grands architectes comme Mallet-Stevens y présentèrent des esquisses d'allure déjà très contemporaine. 

Un autre concours plus officiel fut lancé en 1931 par la Ville de Paris “pour l'aménagement de la voie allant de la place de l'Etoile au Rond-point de La Défense”. Il s'agissait d'une part de créer un axe architectural et fonctionnel ; il fallait aussi honorer la mémoire du Maréchal Foch par un monument.  

Les 35 projets d'architectes de renom déçurent le jury. Aucun ne répondait à la demande : “donner satisfaction aux nécessités de la circulation et être digne de notre capitale”. En effet, beaucoup de projets avaient encore du mal à sortir de l'architecture décorative monumentale, voire cocardière. Cependant, certains commençaient à intégrer des éléments fonctionnels urbains, comme celui de Le Corbusier qui proposait de séparer la circulation des autos et des piétons sur deux niveaux. Son idée fut reprise 30 ans plus tard. Seul l'élargissement du pont de Neuilly suivit ce concours. Néanmoins, l'axe triomphal se retrouva en bonne place dans le Plan général d'aménagement de la région parisienne de 1932.

Mais il fallut attendre l'après-guerre et la volonté de quelques hommes comme André Prothin, pour que La Défense commence à sortir des limbes.

Les 35 projets d'architectes de renom déçurent le jury. Aucun ne répondait à la demande : “donner satisfaction aux nécessités de la circulation et  être digne de notre capitale”. En effet, beaucoup de projets avaient encore du mal à sortir de l'architecture décorative monumentale, voire cocardière. Cependant, certains commençaient à intégrer des éléments fonctionnels urbains, comme celui de Le Corbusier qui proposait de séparer la circulation des autos et des piétons sur deux niveaux. 

Son idée fut reprise 30 ans plus tard. Seul l'élargissement du pont de Neuilly suivit ce concours. Néanmoins, l'axe triomphal  se retrouva en bonne place dans le Plan général d'aménagement de la région parisienne de 1932. Mais il fallut attendre l'après-guerre et la volonté de quelques hommes comme André Prothin, pour que La Défense commence à sortir des limbes.

Que faire à La Défense ?

Il fallait faire quelque chose de marquant à La Défense, c'est sûr, mais quoi ? Jusqu'en 1931, les idées ou les projets tournaient toujours autour d'un monument commémoratif, d'une Cité de la Radio, d'une Exposition Universelle, d'une Cité du Gouvernement, mais pas d'un quartier d'affaires. Ce concept était trop nouveau.

Cependant, la Citibank, première ban-que d'affaires mondiale, en développa l'idée dans une note datant de 1931. Elle jugea que l'emplacement de ce quartier serait judicieux pour y édifier un quartier d'affaires et y installer son siège social pour toutes sortes de bonnes  raisons. Ce n'est que 20 ans plus tard que le Conseil Général de la Seine opta pour la réalisation d'une cité d'affaires. Quant à la  Citibank, elle installa effectivement son siège social européen dans l'immeuble qui surplombe les 4 Temps, un demi-siècle plus tard.

 

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Illustrations

  1. Le Rond-point de l'Empereur (Rond-point de La Défense) en 1863. Ce Napoléon du sculpteur Seurre se trouve actuellement aux Invalides. Mal grattée, la couronne impériale était encore visible sous la statue républicaine de la Défense qui prit place sur ce socle.

  2. Le Corbusier participa au concours de 1931 et proposa pour La Défense une composition symétrique très moderne. Fidèle à ses principes, la circulation automobile passait sous une dalle pour piétons. Cette idée fut reprise 30 ans plus tard.

  3. Projet d'André Granet - (première prime), l'un des 35 projets du concours d'idées de 1931. La “fusée” au bout de la place est un socle portant très haut la statue du maréchal Foch. Elle termine la perspective appelée alors “avenue des Traditions”.

 

English version

First architectural competition - March 1931


Royal, imperial and triumphal

One night, as Henry IV was going back home to his Saint-Germain-en-Laye château, he and the Queen nearly drowned in their coach which fell from the Neuilly ferry. He decided to have a wooden bridge built there, the Pont de Neuilly.

In 1772, a stone bridge replaced the old one. Perronnet, the engineer, chose to build it exactly on the Champs-Elysées axis. In its prolongation, at the top of the Chantecoq hillock, a roundabout was laid out, the same in diameter as the Place de l’Etoile: the later Rond-point de la Défense. At last, the Tuileries great perspective had crossed the Seine.

This axis has always had a military destiny. Napoléon the first wanted it to be an imperial road, starting at the Arc de Triomphe, «Grande Armée» avenue. Later on, Napoleon the third had his ancestor’s statue erected in the middle of Chantecoq roundabout, renamed Place Impériale.

In 1883 the statue “la Défense de Paris” was placed on this pedestal to glorify the heroes of the 1870 siege of Paris. In 1912 the imperial road project gave place to the project of a Republican Triomphant Road. The development of the Porte Maillot initiated the first competition looking for architectural ideas. Famous achitects, such as Mallet-Stevens, produced sketches which were very modern for the time.

Town planning first steps

A more official competition was launched in 1931 by the Paris Town Council for “the development of the road from the place de l’Etoile to the Rond-Point de la Défense”. It was a matter of creating an architectural and functional axis on one hand, and on the other hand a monument to Maréchal Foch’s memory.

The selection committee was disappointed by the projects submitted by 35 famous architects. None of them complied with the request: “to meet the traffic necessities and to be worthy of our capital”. As a matter of fact many projects still had difficulties in getting out of ornamental, monumental, even jingoistic architecture.

Yet, some projects were beginning to integrate functional town elements, such as Le Corbusier’s which offered to separate, on two levels, motor and pedestrian traffic. His idea was taken up again thirty years later. This competition led only to the widening of the Pont de Neuilly. Nevertheless, the triumphal axis was in a good position in the 1932 project of Paris area general town planning development. But, in order to be born, La Défense had to wait for the after-war period and for the will of such people as André Prothin.

What to do with La Défense?

Of course something outstanding had to be constructed in La Défense, but what?

Till 1931, all ideas and projects were linked with a commemorative monument, a radio hall, an international exhibition, a government hall, not to a business district. This concept was too new. Yet the Citibank, the first business bank in the world, develo-pped this idea in a memorandum dated 1931. This district was believed to be suitable for business, and for establishing one’s registered office, for many good reasons. Only twenty years later the Seine County Council chose to create a business hall there. As for the Citibank its European registered office was actually established in the building overlooking the “Qua-tre Temps”, a quarter of a century later.

Illustrations

  1. The Rond-point de l’Empereur (Rond-point de La Défense) in 1863. This “Napoléon” by the sculptor Seurre is now in the Invalides. Not sufficiently erased, the imperial crown can still be seen under the Republican statue of La Défense, which replaced it on the pedestal.

  2. Le Corbusier participated in the 1931 competition and proposed a very modern symmetrical composition for La Défense. According to his principles the traffic was to run under a pavement for pedestrians.This idea was taken up again 30 years later.

  3. André Granet’s project (first premium), one of the 35 projects of the 1931 “idea” competition. The “rocket” at the end of the square is a very high pedestal supporting a statue of Maréchal Foch. It closes the perspective at the time called “avenue des Traditions”.

     

1956 - Approbation du premier plan d'aménagement

APPROBATION DU PREMIER PLAN - OCTOBRE 1956

 
La cisaille abandonnée

Le premier réflexe des urbanistes était naturel : continuer impérativement la grande perspective rectiligne des Champs-Elysées et construire de chaque côté... C’est ce que prévoyait l’un des premiers plans d’aménagement dessiné en 1950 par Camelot, de Mailly et Zehrfuss (les concepteurs du CNIT).

Cette première esquisse remaniée fut approuvée en octobre 1956 par toutes les autorités compétentes. Elle prévoyait des immeubles d’habitation de 12 étages et des tours de bureaux de 100 mètres de haut, répartis de manière très ordonnée de part et d’autre d’une grande artère autoroutière. Lorsqu’en 1958 l’EPAD fut créé pour prendre en charge l’aménagement général du quartier, il reprit l’étude approuvée... pour très vite l’abandonner. En effet, il lui sembla difficile de réaliser un quartier d’affaires cisaillé en deux par le flot des 60.000 voitures quotidiennes, relié par des passerelles nombreuses mais inesthétiques.

La Voie Triomphale sacrifiée

Une nouvelle étude (1959) proposa de remplacer la sacro-sainte continuité au sol de l’axe triomphal par une voie en anneau qui encerclait le futur quartier ainsi protégé et mis au calme... mais trop isolé.

Les Ponts et Chaussées ayant refusé ce projet, l’EPAD en proposa un autre : plutôt que de créer de multiples passerelles, réalisons un plateau artificiel unique de 40 ha dont le point haut s’appuiera sur le haut de la falaise naturelle pour atterrir en pente douce au niveau de la Seine. La concavité sous la dalle servira à faire passer autoroutes, canalisations et dessertes de toutes sortes, et à créer les parkings indispensables. Il deviendra possible de bâtir un quartier surélevé, entièrement réservé aux piétons, lesquels se déplaceront d’un bâtiment à l’autre au milieu des jardins et des bassins sans jamais être gênés par les voitures. Ainsi sera réalisée la séparation totale piéton-auto prônée depuis longtemps par les théoriciens mais qui n’avait encore jamais pu être réalisée dans l’ensemble d’un quartier.

La Défense constitue aujourd’hui l’une des applications les plus abouties au monde de cet urbanisme fonctionnaliste imaginé par Le Corbusier et consigné dans la Charte d’Athènes.

Plan réapprouvé en 1964

Le nouveau plan mis au point par Auzelle, Herbé, Camelot, de Mailly et Zehrfuss en 1960 est approuvé en décembre 1964. Ce plan  fit surgir les tours de moyenne hauteur dites de la première génération, comme les tours Nobel (1965, aujourd'hui Roussel-Hoechst), Aquitaine (1966, aujourd'hui American International), Aurore (1969). La superbe “tour Zehrfuss” de 60 étages devait dresser ses 250 mètres face au CNIT. Trop ambitieuse, elle disparut du nouveau plan d’aménagement en 1969. Ce plan autorisa la construction des tours de bureaux dites de la deuxième génération, beaucoup plus hautes que les premières (voir page 25).
 

1958 - Création de l'EPAD

 

CREATION DE L’EPAD - SEPTEMBRE 1958


Prothin le Persévérant

30 ans... L’Etat vient de donner 30 ans à André Prothin et à ses successeurs pour réussir à créer un grand centre d’affaires sur ce territoire de 760 ha, encombré de bâtisses hétéroclites où presque aucun transport en commun ne s’arrête. Ce centre d’affaires ultra-moderne, André Prothin y pense depuis longtemps et il le réclame depuis 1940. Il est sûr que cette opération est réalisable, ici, à La Défense. Il lui a fallu vaincre bien des scepticismes.  Enfin... Aujourd'hui,  il a le feu vert. 

L’Etat lui a confié la direction générale d’un établissement public chargé de jeter les bases de ce nouveau quartier. Oh certes, il est logé dans des baraques de chantier bien exiguës et inconfortables ! Mais pour l’instant, elles sont suffisantes pour lui et ses 10 collaborateurs. On verra plus tard. Maintenant, le plus urgent, c’est de convaincre et de rassurer les élus et les habitants des trois communes concernées. Et surtout il faut trouver des financiers qui croient comme lui à l’avenir de ce quartier et qui acceptent d’y investir. L’Etat ne peut pas tout avancer ; il a tant d’autres projets à mener... Déjà, Esso avait fait le pas. D’autres suivront bien...

Pari gagné

Les débuts furent lents et difficiles. Il a fallu toute la ténacité et la diplomatie d’André Prothin pour mettre en route ce gigantesque projet. Durant son existence, l’EPAD a traversé  des périodes d’euphorie ou de marasme. Mais aujourd’hui, La Défense existe et se porte bien : 21.000 logements, plus de 2,5 millions de m2 de bureaux, 200.000 m2 de commerces... Avec les parkings et locaux annexes, l’EPAD a  réalisé près de 7 millions de m2 de plancher. Sans compter les hectares de parc et de plantations...

Après une histoire mouvementée, La Défense sert aujourd’hui de modèle pour des réalisations similaires dans d’autres capitales (Tokyo, Rome, Londres).
Pour mettre en œuvre cet ensemble, l’EPAD a dépensé environ 16 milliards de francs (actuels), ce qui est énorme au regard des fonds de départ avancés par l’Etat : 30 millions de francs. 

Lors de sa période noire, c'est-à-dire de 1974 à 1978,  l’EPAD eut des dettes qui atteignirent près de 700 millions de francs. Mais aujourd’hui, l’établissement public présente un bilan équilibré : La Défense n’aura pas coûté un franc à l’Etat qui a été remboursé de ses avances. Il a même pu prélever 1,9 milliard de francs à l'EPAD ces dernières années. Les infrastructures locales et les équipements ont été payés par les droits à construire vendus par l’EPAD.  Peu d’opérations prestigieuses peuvent se vanter du même résultat.

Tranches de ciel à vendre

Dans le quartier d’affaires s’est posé (entre autres !) un problème juridique fort ardu. En effet, le sous-sol renferme des parkings, des voies de circulation ou des réseaux relevant du domaine public. Il n’était pas possible de vendre ces terrains. Il a fallu mettre en vigueur un  type de propriété liée uniquement aux bâtiments. C’est ainsi que la plupart des sociétés sont actuellement propriétaires d’un “volume d'air” dans telle ou telle tour...  
 

1958 - Délimitation des 4 zones du périmètre

DELIMITATION OFFICIELLE DU PERIMETRE - SEPTEMBRE 1958


Les quatre zones EPAD


Le territoire de l'EPAD couvrait  une tranche de boucle de la Seine.
Le périmètre est divisé en quatre zones : "A" le quartier d'affaires, "B1" le quartier du Parc, "B2" où furent construites des opérations de relogement et "B3" zone de logements antérieurs.


Fac en béton... armé

La faculté de Paris X fut ouverte peu avant 1968 pour accueillir 15.000 étudiants. Située en zone B2, elle ne doit rien à l'EPAD. Construite sur un ancien terrain militaire, certains affirment que des carcasses de chars allemands sont encore enterrées sous l'un des bâtiments scolaires.

92, un département tout neuf

Le Département des Hauts-de-Seine est une création récente. Une préfecture fut donc nécessaire. Elle fut réalisée en 1971 par A.Wogensky, collaborateur de Le Corbusier sur la zone B1 de Nanterre. A son voisinage, l'Hôtel du Département  a été achevé en 1988. 

Relogements

De nombreuses HLM furent construites, essentiellement sur Nanterre, pour reloger les 9.500 familles locataires de pavillons expropriés. Les artisans et industriels se virent proposer quelques 55 ha de zone industrielle sur Nanterre, Courbevoie et Villeneuve-la-Garenne.
 

1958 - Inauguration du Palais des Expositions (CNIT)


INAUGURATION DU PALAIS DES EXPOSITIONS - SEPTEMBRE 1958

 

Polémique

Pour montrer aux yeux du monde que la France d’après-guerre se redressait, l’Assemblée Constituante proposa le 9 août 1946, d’organiser une Exposition Universelle à La Défense. Devant les difficultés et les urgences de la reconstruction, l’idée se réduisit au projet d’un palais permanent d’exposition qui permettrait de mettre en valeur les réalisations nationales.
 Cependant, les partisans d’une voie triomphale se réveillèrent et combattirent ce palais des expositions. Paul Claudel lui-même réclama un monument aux morts de la guerre de 14/18. Quand au président de l’Académie d’Architecture, il dénigra le futur CNIT et le traita d’“abri pour foires” dans un article du Parisien Libéré...

Première mondiale

Le permis de construire du “Centre National des Industries et des Techniques” fut accordé en 1954. Sans se soucier des polémiques, les parisiens venaient ébahis jusqu’au gi-gantesque chantier pour admirer la  prouesse technique : un voile de béton mince d’une portée record de 218 mètres, supporté seulement par trois points. L’ingénieur Esquillian, les architectes Camelot, de Mailly et Zehrfuss ont réussi une prouesse technique qui conquit le public et devint le symbole du modernisme. 

Le CNIT fut inauguré aux derniers jours de la IVème République. Le premier salon professionnel, Mécanelec, reçut les visites successives du Président Coty et du Général de Gaulle. Le public fut admis l’année suivante aux Floralies internationales : deux millions de visiteurs. Encore un record pour l’époque et une consécration populaire longtemps perpétuée ensuite par le Salon des Arts Ménagers.

Une alliance privé et public

Avec le CNIT débuta l’alliance entre le secteur public et le secteur privé qui est l’une des caractéristiques de La Défense. En effet, le CNIT n’a pas été réalisé par l’Etat comme beaucoup le croient, mais financé par une dizaine de syndicats et de fédérations de construction et d’équipement, sous l’impulsion de la Fédération des Industries de la Mécanique.

Cependant, le choix des architectes et celui de l’implantation se fit en concertation avec le Ministère de la Construction. A la demande du gouvernement, les architectes du CNIT firent également les premiers plans d’aménagement de La Défense.

1965 - Mise en service de la 1ère tour (ESSO)


 MISE EN SERVICE DE LA PREMIÈRE TOUR - AVRIL 1965


Esso, pionnier en tout

D'abord, la tour ESSO fut la première tour tout court. La Compagnie avait acheté un terrain en 1957, avant même que l’EPAD n’existe. Il fallait avoir la foi du charbonnier pour s’expatrier dans un quartier dont l’avenir n’était pas encore vraiment décidé, ou qui allait devenir un chantier interminable. Esso Standard y croyait. La Compagnie voulait regrouper tous ses services éparpillés dans Paris, dans un seul et même immeuble fonctionnel, étudié spécialement pour que ses 1550 employés y travaillent confortablement. Encore une première : les immeubles de bureaux n’existaient qu’en Amérique. A l’époque, la plupart des bureaux parisiens n’étaient que d’anciens appartements “bricolés”. Ici, il y avait tout : un monte-dossier, une grande salle de réunion sonorisée, un des tout premiers self-services pour le personnel, une salle climatisée pour les “calculateurs électroniques” IBM très fragiles de l’époque, une salle de cinéma de 150 places pour visionner les films publicitaires ou faire la formation du personnel, et même un salon de repos et un service médical...

La tour ESSO sera aussi la première des tours de La Défense à être détruite et remplacée...

Les pieds sur terre

Aujourd’hui, la tour ESSO nous paraît toute petite. Mais - l’aviez vous remarqué ? - elle est la seule qui ne soit pas entourée par la grande dalle comme les autres tours. C’est parce qu’elle est également la seule dont l’entrée se trouve au niveau du sol. Ayant acheté son terrain avant l’approbation des premiers plans d'urbanisme, ESSO ne crut pas à la future dalle et refusa de faire grimper ses employés et clients par une entrée perchée au troisième étage ! Précurseur, d’accord... mais avec les pieds sur terre.
Par contre, dans le quartier du Parc, bien des immeubles comme Le Liberté ou le MH7  ont leurs entrées au troisième étage. Mais dans ce quartier,  l’idée de la dalle a été abandonnée...

Mur-rideau

La façade ne porte rien : elle est constituée de ces fameux murs-rideau métalliques tout nouveaux à l’époque. C’est le cœur de béton contenant les batteries d’ascenseurs et tous les réseaux divers (électricité etc) qui tient l’immeuble debout. Il paraissait bien haut à l’époque : ses douze étages dominaient la perspective depuis l’Etoile. Pendant un temps, les parisiens purent lire le nom d’ESSO  écrit en lettres lumineuses : les rideaux occultaient judicieusement les fenêtres des bureaux allumés pour donner la forme des lettres.

La génération Nobel

Puis la vedette lui fut ravie par la tour Nobel (aujourd'hui Roussel-Hoechst). Son noyau central de béton fut édifié en juillet 1965 en un temps stupéfiant pour l’époque : 32 étages en six semaines. C'est une des toutes premières fois que l'on utilisait la technique des coffrages grimpants. Les premiers occupants envahirent les bureaux dès novembre 1966. Toutes les cloisons y sont démontables : aucun fil ou prise ne vient gêner leur déplacement éventuel. Le dernier étage qui possède une superbe vue a une particularité cocasse : pour des raisons réglementaires, la salle à manger panoramique de réceptions a comme voisins... la chaufferie au gaz et un réservoir de 120 m3 d’eau contre l’incendie.

C'est le modèle des tours dites de la première génération.

1967 - Mise en service de la chaufferie Climadef


 

MISE EN SERVICE DE “CLIMADEF” - AVRIL 1967


Tas de charbon

Beaucoup se demandent en passant sur le boulevard circulaire ce que contient cette pyramide tronquée en ardoise, flanquée d’une haute cheminée. C’est la “centrale du confort urbain de La Défense”, plus connue aujourd'hui sous le nom de CLIMADEF. Ce complexe industriel produit de l’eau à 175° destinée au chauffage urbain, de l’eau à 4°5 alimentant le réseau de refroidissement, et du courant électrique. Sa production peut atteindre 280 millions de calories, 80 millions de frigories et 33.000 kWh d'électricité. C'est cette usine qui chauffe tous les bâtiments du quartier d'affaires et du quartier nord du Parc. Elle alimente les systèmes de climatisation des bureaux.
 Son architecture évoque la forme d’un tas de charbon par analogie avec le combustible qu’elle utilise. Ses besoins sont énormes : elle en consomme un train tous les dix jours. Mais rassurez-vous : elle fait partie des usines les moins polluantes de sa catégorie.

Sous la dalle, les entrailles

Sept kilomètres de galeries techniques parcourent les sous-sols. Elles constituent la colonne vertébrale de La Défense. Tout y passe : l'électricité, le téléphone, les eaux usées, le chauffage... L’électricité nécessaire aux tours du quartier d’affaires correspond à la consommation d’une ville comme Rennes ou à la totalité de la production d'une centrale EDF classique...
Abrités et chauffés, des chats  avaient proliféré par centaines dans ces galeries. Devenus sauvages et dangereux, il fallut faire appel à la SPA pour les évacuer et pouvoir entretenir à nouveau ces réseaux.
 

Aurélie, née "défensienne"


Pour faire fonctionner un tel quartier, il a fallu également réaliser de nombreux équipements annexes comme un central téléphonique spécial  de 100.000 lignes, un commissariat de police, un réseau câblé en coaxial, etc.
Les 6 niveaux du “mille-feuille” comprennent aussi quelques 25.000 places de parkings gérées par un PC unique. C'est l'un des parkings souterrains les plus importants du monde.

Quand à Aurélie, elle était trop pressée de connaître La Défense : elle est née dans l'escalier du parking Louis-Blanc en 1974. Elle s'en est bien remise...

1968 - Mise en service de la gare SNCF

 

MISE EN SERVICE DE LA GARE SNCF - JUIN 1968


La conquête de l’ouest   

 

Etrange. L’ouest parisien a connu bien des révolutions ferroviaires. Par exemple, les frères Péreire y ont ouvert une ligne expérimentale de chemin de fer en  août 1837. Elle reliait le quartier Saint-Lazare à Saint-Germain-en-Laye en passant par La Défense. C’était la première ligne de voyageurs à sortir de Paris. C’était également la première ligne en France à fonctionner entièrement avec des locomotives à traction-vapeur. Le succès fut immédiat et malgré les avertissements d’Arago qui prédisait toutes sortes de maladies aux voyageurs, un million d’usagers empruntèrent cette ligne dès la première année. Aujourd’hui, le RER emprunte ce tracé.
A partir de 1872 , un curieux tramway effectuait la liaison Etoile-Courbevoie. La “Bouillotte” n’avait pas de chaudière, mais un réservoir de vapeur. Celle-ci était portée à 200° à chaque station par un générateur de chaleur. Au début du siècle, les premiers tramways électriques à trolley firent leur apparition sur l’avenue de Neuilly. Quand au RER, il a été construit en premier lieu pour relier l’Etoile à La Défense.


Voie dangereuse


Curieusement, le quartier d’affaires à souffert longtemps d’une mauvaise des-serte en transports en commun. Tout à fait au début, les employés d’Esso devaient descendre à même les voies ferrées du train de 8 heures 10 qui s’arrêtait spécialement pour eux devant le CNIT. Puis une gare provisoire desservit La Défense, mais uniquement en période de salons. C’est donc avec un grand soulagement que la gare définitive fut enfin ouverte en 1968 pour les nombreux voyageurs venant de Saint-Lazare, de Versailles ou de Saint-Nom-La Bretèche.


Sur coussin d’air


Flottant sur ses coussins d’air, l’aérotrain devait transporter silencieusement 160 passagers à 200 km/h entre Paris et Cergy-Pontoise en s’arrêtant à La Défense. Cette décision prise en juillet 1971 ne fut jamais suivie d’effet : il était encore trop long à mettre au point. Néanmoins, aujourd’hui cette liaison existe grâce à une interconnexion des voies SNCF et du réseau RER au niveau de la station Nanterre-Préfecture.
Actuellement, bien d'autres projets sont à l'étude dont une gare de TGV et  de nouvelles liaisons entre les grands pôles d'activité de la région Ile de France.



 

1969 - Evacuation des bidonvilles

 

EVACUATION DES BIDONVILLES - AVRIL 1969


Cas par cas


Monsieur Vincent posa son vélo le long de la grille rouillée. Il entra dans le jardinet où un chien s’étranglait dans sa laisse en aboyant vers lui. La porte du pavillon en briques décrépies s’entrouvrit, laissant apparaître une petite femme peu amène. Avant qu’elle n’ouvrit la bouche, il déclara en portant la main à sa casquette : “Bonjour madame. Visite de sécurité de vos installations de gaz.”. Il entra. Ce 12 octobre 1958, monsieur Vincent a eu de la chance : il n’a pas plu. Il était venu à vélo depuis le Ministère de la Reconstruction du Quai de Passy pour continuer l’inventaire maison par maison de la zone nouvellement dévolue à l’EPAD. Après quelques... déconvenues, il s’est souvent transformé en employé du gaz pour réaliser cette enquête sans inquiéter les résidents. 

Négocier un à un l’achat des 415 ha de terrains et de bâtiments expropriés, prendre en considération chaque cas personnel a demandé beaucoup de temps. Mais ce temps était nécessaire pour éviter les déracinements et les traumatismes.

Vagues mais pas vides

 
Cette enquête a confirmé combien cette banlieue populaire était clairsemée et hétéroclite : les modestes pavillons abritaient quelques 25.000 personnes à reloger le mieux possible sur leur commune d’origine autant que possible.
Il y eut près de 500 établissements industriels et des gros artisans, et 570 commerces à réinstaller rapidement.

 
Pour eux, 55 ha de zone industrielle ont été créés à Nanterre (Les Groux, les Guilleret), à Courbevoie  (Solétanche) et à Villeneuve la Garenne.
A l’époque, sur Nanterre, il y avait de nombreux terrains vagues. Vagues, mais pas vides : ils étaient occupés par des sans-abris qui avaient construit des baraquements. La plupart avait récupéré des caisses en bois cubiques de deux mètres de côté, rapportées on ne sait comment de la cité américaine de l’OTAN de Saint-Germain.
Environ 7.000 personnes vivaient dans ces derniers bidonvilles de France. Bien sûr, elles aussi furent relogées. A leur place aujourd’hui s’élèvent la préfecture et le quartier du Parc.  

Lait frais


L’homme à l’épaisse moustache regarda le dossier ouvert que venait de pousser devant lui monsieur Vincent, assis de l’autre côté du bureau. Il leva son regard vers lui et ne prit pas le stylo tendu.
Monsieur Vincent s’étonna :
- Vous ne signez pas ? Pourtant, vous venez de me dire que vous étiez d’accord sur le prix de vente et pour le relo-gement de votre famille!
- Pour ma famille, oui, ça va. Mais pour mes vaches qu’est-ce qu’on fait ?   
- Vos vaches ! quelles vaches ?...  répondit interloqué Monsieur Vincent.
Eh oui.... Le négociateur de l’EPAD venait de découvrir qu’ici, au Rond-point de La Défense, en 1959, au pied du CNIT, huit vaches vivaient dans une étable au  fond d’une cour. Chaque matin cet homme les trayait pour fournir du lait frais à ses clients.
Il est vrai que sa crémerie s’appelait “La Ferme du Rond-point”. Mais d’ici à imaginer cela...


 

1969 - Doublement de la surface des bureaux


 

DOUBLEMENT DE LA SURFACE DES BUREAUX - JUIN 1969


Carcan

“Monsieur le ministre de l'Equipement, aujourd’hui, en 1969, il ne nous est plus possible de répondre aux demandes des sociétés qui désirent construire à La Défense. 

Le plan actuel approuvé il y a cinq ans a été étudié en 1959... Il a figé pour quinze ans un plan masse  comprenant des tours de 24 mètres sur 42 et limitées à 100 mètres de hauteur. Cela restreint les surfaces de bureaux à 28.000 m2. Or nous avons eu des propositions comme celle de l'UAP qui désire regrouper tous ses services en un seul édifice. Ils ont besoin de 70.000 m2 d’un seul tenant. Nous leur avons proposé deux tours distantes de sept  mètres avec un passage aérien, mais ils ne sont pas intéressés : ils veulent un seul immeuble. 

Faute de répondre à ses besoins, une société américaine menace même de s’installer à Londres ou à Bruxelles. Il n’est plus possible de continuer avec le carcan de ce plan qui n’a pas prévu l’évolution des besoins et des techniques de construction. Le règlement de sécurité incendie concernant les immeubles de grande hauteur est sorti récemment.
Nous avons étudié les conséquences d’un passage de 860.000 m2 à 1,5 millions de m2 de surface : la densité sera de 2,4 alors que nous avons droit à une densité de 3. D’autre part, l’occupation au sol ne sera que de 5%...  
Vous voyez Monsieur le Ministre : rien ne s’oppose à ce que Paris puisse enfin disposer de bureaux d’échelle internationale avec des tours qui dépasseront les 200 mètres.” 

On peut imaginer que Jean Millier a tenu à peu près ce langage pour défendre auprès de Monsieur Chalandon l’augmentation des surfaces et la hauteur des tours. Ce doublement du programme fut accordé par le gouvernement.
 

Deuxième génération

En 1968/70, la construction des bureaux battait son plein. Pour éviter que lui échappent des programmes qui l'aideraient à rentabiliser l'opération, l'EPAD lança des immeubles plus ambitieux. Comme les promoteurs achetaient un droit de construire au mètre carré construit (et non un terrain), l’augmentation des ventes permit à l’EPAD d’améliorer les équipements, de commander des œuvres d’art, de payer des animations, de réaliser des plantations.

C’est ainsi que naquirent les tours UAP, GAN, FIAT (44 étages), et plusieurs tours dites de la deuxième génération. Elle furent conçues autour d’un “noyau technique” en béton contenant les ascenseurs et tous les réseaux. Elles disposaient de grands “plateaux paysagers” avec air conditionné et lumière artificielle étudiée, très en vogue outre-atlantique.

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