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1989 - Inauguration de la Grande Arche


 

INAUGURATION DE LA GRANDE ARCHE - JUILLET 1989

Les aventuriers de l’Arche


L’histoire du chantier de la grande Arche est digne d’un roman feuilleton. Mais le monument est tellement pur, lisse, détaché du monde, que l'on hésite presque à révéler son histoire cahotique de peur d'entacher sa noblesse.

En effet, au début des études, l'édifice devait abriter un ou deux ministères (qui hésitaient à déménager), des bureaux privés (qu’il fallait vendre) et le CICOM, Carrefour International de la Communication (dont le programme était en cours d'élaboration). Déjà, les architectes eurent du mal à comprendre ce que les décideurs voulaient exactement...

Puis à la suite des élections législatives de1986 arriva une grande nouveauté politique en France : la cohabitation. Les grands projets du Président seraient-ils remis en cause ? La Grande Arche n’en était qu’aux fondations, son financement loin d’être sûr et son programme à peine moins flou...

Le gouvernement décida d'abandonner le projet du CICOM, de faire venir le ministère de l’Equipement et d’augmenter la superficie de bureaux privés. Le socle et le toit  restaient sans affectation. L’Arche était maintenue, mais l'architecte danois ne comprit jamais très bien les méandres de la politique française et les arcanes de son administration. Il affirma avoir étudié 5 ou 6 projets différents pour l’Arche et 11 pour les “Collines”, les petits immeubles de bureaux qu'il avait prévu de chaque côté de l'Arche.

Mort d’un poète


Au milieu de cette tourmente politico-financière, Otto von Spreckelsen travaillait seul avec son ingénieur Reitzel à Copenhague. Il se montra d’une extrême intransigeance pour éviter que l’on ne “détériore” son œuvre. La SEM Tête-Défense, l'EPAD et Paul Andreu, l'architecte français qui suivait le chantier en eurent souvent des sueurs froides.

Pour ses deux façades latérales, Otto Von Spreckelsen renonça au décor prévu représentant un circuit imprimé géant, mais il exigea une planéité totale, ce qui posa des problèmes techniques pour faire tenir les lourds panneaux vitrés de manière invisible. Quant au vitrage il devait être optiquement parfait pour que les reflets ne soient pas déformés. Il voulait un marbre d'un blanc absolument pur et près de 3.000 plaques non conformes furent refusées. Etc...

Le chantier fut d'ailleurs une suite de performances techniques. Par exemple, les poutres en béton précontraint qui supportent le toit font 70 mètres de portée et pèsent 2.500 tonnes. Elles ont été coulées à 110 mètres de haut avec une précision de l'ordre du millimètre.

Mais ce qui crispa le plus Otto von Spreckelsen, ce fut l'affaire des Collines : pour rentabiliser l’Arche et même la sauver financièrement, elles  passèrent de 6.000 à 35.000 m2 en étouffant un peu les flancs du monument. Elles furent réalisées par l'architecte J.P. Buffi.

Fatigué, peut-être déjà malade, von Spreckelsen démissionna le 31 juillet 1986 à la stupeur générale.

Il décéda huit mois plus tard.

“Mais elle est de travers !”


Paul Andreu termina l’Arche seul avec Reitzel. Comme prévu, elle fut inaugurée pour le Sommet des Chefs d'Etat le 14 juillet 1989. 

Aujourd’hui, le monument d’une beauté incontestée ne laisse apparaître aucune trace des efforts qu’il demanda. Le toit abrite la Fondation L'Arche de la Fraternité dédiée aux Droits de l'Homme et le socle présente des expositions en attendant une affectation définitive. Bon gré mal gré, les employés du ministère de l’Equipement se sont habitués à leurs bureaux et les sociétés privées louent fort cher une adresse prestigieuse.

Rançon du succès, les traces de coca-cola et de ketchup des big-macs mangés par les touristes assis sur les marches sont lavées chaque jour pour qu’elles gardent une blancheur immaculée...

Reste un grand mystère pour la plupart des visiteurs qui viennent sans arrêt poser la même question à l'espace Info-Défense de l’EPAD : “Et pourquoi est-elle de travers ?”.

Et Marie-Danièle répond avec un grand sourire pour la centième fois : “Cette inclinaison a une raison technique : les piliers supportant l’Arche s’encastrent dans un entrelacs de voies ferrées et autoroutières ; mais de toute manière, l’architecte désirait une vue en biais pour que l’on devine l’intérieur et que l'on comprenne mieux le volume cubique. Il lui a donné un angle de 6°3 par rapport à l’axe, afin qu'il soit identique à celui du Louvre.”

Chaque centenaire de la révolution de 1789 a donné un édifice prestigieux à la France. En 1889, ce fut  la Tour Eiffel dont tout le monde connait la hauteur. En 1989, ce fut la Grande Arche. Peut-être qu'en 2089 tout le monde saura pourquoi elle est de travers...


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