Dernières informations

Il reste encore à publier les traductions anglaises sur chaque article de ce blog - 280

2021 - Après un tiers de siècle...

Sauvée des oubliettes

La plaquette avec le nouveau logo de l'Epad
Cette publication a été réalisée en septembre 1988 pour les fêtes du trentenaire de La Défense sous le nom de "30 ans 30 événements". Elle a été éditée à 100.000 exemplaires par l'établissement public d'aménagement de la région de La Défense (EPAD). Rapidement épuisée la plaquette a été actualisée et rééditée en septembre 1991 sous le nom de "Histoire et histoires" en 150.000 exemplaires supplémentaires en plusieurs langues. 

Menacée de disparition, je publie aujourd'hui cette plaquette sur Internet afin qu'elle puisse être retrouvée et à nouveau consultée. J'y raconte à grands traits l'Histoire de ce quartier en trente étapes importantes. Cette histoire (grand H) est complétée par des petites histoires, des anecdotes que j'ai recueillies auprès de ceux qui ont créé La Défense.

Le format a une explication. Ouvert, ce document fait 30 x 30 cm, en relation avec le titre 30 ans 30 évènements. De plus, ce format carré a été voulu en correspondance avec la Grande Arche cubique qui était en construction en 1988 (voir ici). 

Donner des racines au lieu et une identité au projet

Gérard de Senneville a été nommé Directeur général à l'EPAD en décembre 1987. Il avait été nommé pour mettre fin à la mission de l'EPAD qui avait été créé pour 30 ans. A contrario, il a fait repartir cet organisme sur de nouveaux projets, en particulier poursuivre le grand axe derrière l'Arche vers la Seine. Ayant travaillé ensemble auparavant, Gérard de Senneville m'a demandé d'être son chargé de communication. Cette brochure avait un but inscrit dans une stratégie générale: donner des racines et une identité historique à ce lieu. Les 22.000 habitants de l'époque ont tous reçu ce document. La brochure a ensuite été distribuée au Point Info installé sur le Parvis en 1988.

Il fallait aussi donner une identité forte à  l'EPAD, cet organisme trop discret et souvent critiqué. C'est pourquoi la première action a été de créer un logo pour être reconnu et tout signer. Cette première plaquette (suivie par d'autres), ainsi que le Point Info et le Musée de La Défense que j'ai créé avec le service des archives, ont contribué à redonner une place entière à l'EPAD dans son rôle premier de réalisateur de ce nouveau quartier de Paris.


Patrick DEMEYER
(Février 2021)

____________

English version


Présentation de "Histoire et histoires"
(Inauguration du Point Info. 1991. P. Demeyer à g.)

Saved from oblivion 

This publication was produced in 1988 for the 30th anniversary celebrations of La Défense under the name "30 years 30 events". It has been published in 100,000 copies by the public development establishment of the La Défense region (EPAD). Quickly out of print, the brochure was updated and reissued in 1991 under the name of "History and stories" in an additional 150,000 copies in several languages. 

Threatened with disappearance, I am now publishing this brochure on the Internet so that it can be found and consulted again. I tell you in broad strokes the history of this district in thirty important stages. This History (big H) is completed by short stories, anecdotes that I collected from those who created La Défense. 

The format has an explanation. Opened, this document is 30 x 30 cm, in relation to the title "30 years 30 events". In addition, this square format was desired in correspondence with the Great cubic Arch which was under construction in 1988. 

Give roots to the place and an identity to the project 

Gérard de Senneville was appointed Director General at EPAD in 1987. He had been appointed to end the mission of EPAD which had been created for 30 years. On the contrary, he made this organization start again on new projects, in particular to continue the main axis behind the Arche towards the Seine. He asked me to be his communications manager. This brochure had a goal inscribed in a general strategy: to give roots and a historical identity to this place. The 32,000 inhabitants of the time all received this document. 

It was also necessary to give a strong identity to the EPAD, this too discreet and often criticized organization. This is why the first action was to create a logo to be recognized and to sign everything. This first brochure (followed by others), as well as the Info Point and the Musée de La Défense that I created with the archives service, helped give EPAD a full place in its primary role as a director. of this new district of Paris.

Patrick Demeyer
(2021, February)

  

-   Vous pouvez lire cette plaquette par deux pages ouvertes ci-dessous   -


1931 - Que faire à La Défense ? Premier concours



PREMIER CONCOURS D'ARCHITECTURE - MARS 1931


Un axe royal, impérial et triomphal


Une nuit de 1606, Henri IV rentrait de son château de Saint-Germain-en-Laye. Il faillit se noyer avec la reine dans son carrosse qui tomba du bac de Neuilly. Il décida alors de faire construire vers 1621 un pont en bois, le pont de Neuilly.

Celui-ci fut remplacé en 1772 par un autre pont en pierre. Perronet, son ingénieur, le situa exactement dans l'axe des Champs-Elysées. Dans son prolongement, au sommet de la butte de Chantecoq fut tracé un rond-point de même diamètre que la place de l'Etoile : le futur rond-point de La Défense. La grande perspective des Tuileries avait enfin franchi la Seine.

Un destin à tendance militaire a toujours marqué cet axe. Napoléon 1er voulut en faire une Voie Impériale avec pour commencer, un Arc de Triomphe, puis une avenue baptisée "de la Grande Armée” en 1846.

Plus tard, Napoléon III fit édifier la statue de son aïeul au milieu du Rond-point de Chantecoq qui devint place Impériale.

En 1883, la statue de “la Défense de Paris” fut installée sur ce socle. Elle glorifiait les héros parisiens du siège de 1870. Le projet de Voie “Impériale” fit place en 1912 à celui de Voie “Triomphale”, plus républicaine. 

 

Prémices d'urbanisme

L'aménagement de la Porte Maillot suscita un premier concours d'idées en 1929. De grands architectes comme Mallet-Stevens y présentèrent des esquisses d'allure déjà très contemporaine. 

Un autre concours plus officiel fut lancé en 1931 par la Ville de Paris “pour l'aménagement de la voie allant de la place de l'Etoile au Rond-point de La Défense”. Il s'agissait d'une part de créer un axe architectural et fonctionnel ; il fallait aussi honorer la mémoire du Maréchal Foch par un monument.  

Les 35 projets d'architectes de renom déçurent le jury. Aucun ne répondait à la demande : “donner satisfaction aux nécessités de la circulation et être digne de notre capitale”. En effet, beaucoup de projets avaient encore du mal à sortir de l'architecture décorative monumentale, voire cocardière. Cependant, certains commençaient à intégrer des éléments fonctionnels urbains, comme celui de Le Corbusier qui proposait de séparer la circulation des autos et des piétons sur deux niveaux. Son idée fut reprise 30 ans plus tard. Seul l'élargissement du pont de Neuilly suivit ce concours. Néanmoins, l'axe triomphal se retrouva en bonne place dans le Plan général d'aménagement de la région parisienne de 1932.

Mais il fallut attendre l'après-guerre et la volonté de quelques hommes comme André Prothin, pour que La Défense commence à sortir des limbes.

Les 35 projets d'architectes de renom déçurent le jury. Aucun ne répondait à la demande : “donner satisfaction aux nécessités de la circulation et  être digne de notre capitale”. En effet, beaucoup de projets avaient encore du mal à sortir de l'architecture décorative monumentale, voire cocardière. Cependant, certains commençaient à intégrer des éléments fonctionnels urbains, comme celui de Le Corbusier qui proposait de séparer la circulation des autos et des piétons sur deux niveaux. 

Son idée fut reprise 30 ans plus tard. Seul l'élargissement du pont de Neuilly suivit ce concours. Néanmoins, l'axe triomphal  se retrouva en bonne place dans le Plan général d'aménagement de la région parisienne de 1932. Mais il fallut attendre l'après-guerre et la volonté de quelques hommes comme André Prothin, pour que La Défense commence à sortir des limbes.

Que faire à La Défense ?

Il fallait faire quelque chose de marquant à La Défense, c'est sûr, mais quoi ? Jusqu'en 1931, les idées ou les projets tournaient toujours autour d'un monument commémoratif, d'une Cité de la Radio, d'une Exposition Universelle, d'une Cité du Gouvernement, mais pas d'un quartier d'affaires. Ce concept était trop nouveau.

Cependant, la Citibank, première ban-que d'affaires mondiale, en développa l'idée dans une note datant de 1931. Elle jugea que l'emplacement de ce quartier serait judicieux pour y édifier un quartier d'affaires et y installer son siège social pour toutes sortes de bonnes  raisons. Ce n'est que 20 ans plus tard que le Conseil Général de la Seine opta pour la réalisation d'une cité d'affaires. Quant à la  Citibank, elle installa effectivement son siège social européen dans l'immeuble qui surplombe les 4 Temps, un demi-siècle plus tard.

 

_________

Illustrations

  1. Le Rond-point de l'Empereur (Rond-point de La Défense) en 1863. Ce Napoléon du sculpteur Seurre se trouve actuellement aux Invalides. Mal grattée, la couronne impériale était encore visible sous la statue républicaine de la Défense qui prit place sur ce socle.

  2. Le Corbusier participa au concours de 1931 et proposa pour La Défense une composition symétrique très moderne. Fidèle à ses principes, la circulation automobile passait sous une dalle pour piétons. Cette idée fut reprise 30 ans plus tard.

  3. Projet d'André Granet - (première prime), l'un des 35 projets du concours d'idées de 1931. La “fusée” au bout de la place est un socle portant très haut la statue du maréchal Foch. Elle termine la perspective appelée alors “avenue des Traditions”.

 

English version

First architectural competition - March 1931


Royal, imperial and triumphal

One night, as Henry IV was going back home to his Saint-Germain-en-Laye château, he and the Queen nearly drowned in their coach which fell from the Neuilly ferry. He decided to have a wooden bridge built there, the Pont de Neuilly.

In 1772, a stone bridge replaced the old one. Perronnet, the engineer, chose to build it exactly on the Champs-Elysées axis. In its prolongation, at the top of the Chantecoq hillock, a roundabout was laid out, the same in diameter as the Place de l’Etoile: the later Rond-point de la Défense. At last, the Tuileries great perspective had crossed the Seine.

This axis has always had a military destiny. Napoléon the first wanted it to be an imperial road, starting at the Arc de Triomphe, «Grande Armée» avenue. Later on, Napoleon the third had his ancestor’s statue erected in the middle of Chantecoq roundabout, renamed Place Impériale.

In 1883 the statue “la Défense de Paris” was placed on this pedestal to glorify the heroes of the 1870 siege of Paris. In 1912 the imperial road project gave place to the project of a Republican Triomphant Road. The development of the Porte Maillot initiated the first competition looking for architectural ideas. Famous achitects, such as Mallet-Stevens, produced sketches which were very modern for the time.

Town planning first steps

A more official competition was launched in 1931 by the Paris Town Council for “the development of the road from the place de l’Etoile to the Rond-Point de la Défense”. It was a matter of creating an architectural and functional axis on one hand, and on the other hand a monument to Maréchal Foch’s memory.

The selection committee was disappointed by the projects submitted by 35 famous architects. None of them complied with the request: “to meet the traffic necessities and to be worthy of our capital”. As a matter of fact many projects still had difficulties in getting out of ornamental, monumental, even jingoistic architecture.

Yet, some projects were beginning to integrate functional town elements, such as Le Corbusier’s which offered to separate, on two levels, motor and pedestrian traffic. His idea was taken up again thirty years later. This competition led only to the widening of the Pont de Neuilly. Nevertheless, the triumphal axis was in a good position in the 1932 project of Paris area general town planning development. But, in order to be born, La Défense had to wait for the after-war period and for the will of such people as André Prothin.

What to do with La Défense?

Of course something outstanding had to be constructed in La Défense, but what?

Till 1931, all ideas and projects were linked with a commemorative monument, a radio hall, an international exhibition, a government hall, not to a business district. This concept was too new. Yet the Citibank, the first business bank in the world, develo-pped this idea in a memorandum dated 1931. This district was believed to be suitable for business, and for establishing one’s registered office, for many good reasons. Only twenty years later the Seine County Council chose to create a business hall there. As for the Citibank its European registered office was actually established in the building overlooking the “Qua-tre Temps”, a quarter of a century later.

Illustrations

  1. The Rond-point de l’Empereur (Rond-point de La Défense) in 1863. This “Napoléon” by the sculptor Seurre is now in the Invalides. Not sufficiently erased, the imperial crown can still be seen under the Republican statue of La Défense, which replaced it on the pedestal.

  2. Le Corbusier participated in the 1931 competition and proposed a very modern symmetrical composition for La Défense. According to his principles the traffic was to run under a pavement for pedestrians.This idea was taken up again 30 years later.

  3. André Granet’s project (first premium), one of the 35 projects of the 1931 “idea” competition. The “rocket” at the end of the square is a very high pedestal supporting a statue of Maréchal Foch. It closes the perspective at the time called “avenue des Traditions”.

     

1956 - Approbation du premier plan d'aménagement

APPROBATION DU PREMIER PLAN - OCTOBRE 1956

 
La cisaille abandonnée

Le premier réflexe des urbanistes était naturel : continuer impérativement la grande perspective rectiligne des Champs-Elysées et construire de chaque côté... C’est ce que prévoyait l’un des premiers plans d’aménagement dessiné en 1950 par Camelot, de Mailly et Zehrfuss (les concepteurs du CNIT).

Cette première esquisse remaniée fut approuvée en octobre 1956 par toutes les autorités compétentes. Elle prévoyait des immeubles d’habitation de 12 étages et des tours de bureaux de 100 mètres de haut, répartis de manière très ordonnée de part et d’autre d’une grande artère autoroutière. Lorsqu’en 1958 l’EPAD fut créé pour prendre en charge l’aménagement général du quartier, il reprit l’étude approuvée... pour très vite l’abandonner. En effet, il lui sembla difficile de réaliser un quartier d’affaires cisaillé en deux par le flot des 60.000 voitures quotidiennes, relié par des passerelles nombreuses mais inesthétiques.

La Voie Triomphale sacrifiée

Une nouvelle étude (1959) proposa de remplacer la sacro-sainte continuité au sol de l’axe triomphal par une voie en anneau qui encerclait le futur quartier ainsi protégé et mis au calme... mais trop isolé.

Les Ponts et Chaussées ayant refusé ce projet, l’EPAD en proposa un autre : plutôt que de créer de multiples passerelles, réalisons un plateau artificiel unique de 40 ha dont le point haut s’appuiera sur le haut de la falaise naturelle pour atterrir en pente douce au niveau de la Seine. La concavité sous la dalle servira à faire passer autoroutes, canalisations et dessertes de toutes sortes, et à créer les parkings indispensables. Il deviendra possible de bâtir un quartier surélevé, entièrement réservé aux piétons, lesquels se déplaceront d’un bâtiment à l’autre au milieu des jardins et des bassins sans jamais être gênés par les voitures. Ainsi sera réalisée la séparation totale piéton-auto prônée depuis longtemps par les théoriciens mais qui n’avait encore jamais pu être réalisée dans l’ensemble d’un quartier.

La Défense constitue aujourd’hui l’une des applications les plus abouties au monde de cet urbanisme fonctionnaliste imaginé par Le Corbusier et consigné dans la Charte d’Athènes.

Plan réapprouvé en 1964

Le nouveau plan mis au point par Auzelle, Herbé, Camelot, de Mailly et Zehrfuss en 1960 est approuvé en décembre 1964. Ce plan  fit surgir les tours de moyenne hauteur dites de la première génération, comme les tours Nobel (1965, aujourd'hui Roussel-Hoechst), Aquitaine (1966, aujourd'hui American International), Aurore (1969). La superbe “tour Zehrfuss” de 60 étages devait dresser ses 250 mètres face au CNIT. Trop ambitieuse, elle disparut du nouveau plan d’aménagement en 1969. Ce plan autorisa la construction des tours de bureaux dites de la deuxième génération, beaucoup plus hautes que les premières (voir page 25).
 

1958 - Création de l'EPAD

 

CREATION DE L’EPAD - SEPTEMBRE 1958


Prothin le Persévérant

30 ans... L’Etat vient de donner 30 ans à André Prothin et à ses successeurs pour réussir à créer un grand centre d’affaires sur ce territoire de 760 ha, encombré de bâtisses hétéroclites où presque aucun transport en commun ne s’arrête. Ce centre d’affaires ultra-moderne, André Prothin y pense depuis longtemps et il le réclame depuis 1940. Il est sûr que cette opération est réalisable, ici, à La Défense. Il lui a fallu vaincre bien des scepticismes.  Enfin... Aujourd'hui,  il a le feu vert. 

L’Etat lui a confié la direction générale d’un établissement public chargé de jeter les bases de ce nouveau quartier. Oh certes, il est logé dans des baraques de chantier bien exiguës et inconfortables ! Mais pour l’instant, elles sont suffisantes pour lui et ses 10 collaborateurs. On verra plus tard. Maintenant, le plus urgent, c’est de convaincre et de rassurer les élus et les habitants des trois communes concernées. Et surtout il faut trouver des financiers qui croient comme lui à l’avenir de ce quartier et qui acceptent d’y investir. L’Etat ne peut pas tout avancer ; il a tant d’autres projets à mener... Déjà, Esso avait fait le pas. D’autres suivront bien...

Pari gagné

Les débuts furent lents et difficiles. Il a fallu toute la ténacité et la diplomatie d’André Prothin pour mettre en route ce gigantesque projet. Durant son existence, l’EPAD a traversé  des périodes d’euphorie ou de marasme. Mais aujourd’hui, La Défense existe et se porte bien : 21.000 logements, plus de 2,5 millions de m2 de bureaux, 200.000 m2 de commerces... Avec les parkings et locaux annexes, l’EPAD a  réalisé près de 7 millions de m2 de plancher. Sans compter les hectares de parc et de plantations...

Après une histoire mouvementée, La Défense sert aujourd’hui de modèle pour des réalisations similaires dans d’autres capitales (Tokyo, Rome, Londres).
Pour mettre en œuvre cet ensemble, l’EPAD a dépensé environ 16 milliards de francs (actuels), ce qui est énorme au regard des fonds de départ avancés par l’Etat : 30 millions de francs. 

Lors de sa période noire, c'est-à-dire de 1974 à 1978,  l’EPAD eut des dettes qui atteignirent près de 700 millions de francs. Mais aujourd’hui, l’établissement public présente un bilan équilibré : La Défense n’aura pas coûté un franc à l’Etat qui a été remboursé de ses avances. Il a même pu prélever 1,9 milliard de francs à l'EPAD ces dernières années. Les infrastructures locales et les équipements ont été payés par les droits à construire vendus par l’EPAD.  Peu d’opérations prestigieuses peuvent se vanter du même résultat.

Tranches de ciel à vendre

Dans le quartier d’affaires s’est posé (entre autres !) un problème juridique fort ardu. En effet, le sous-sol renferme des parkings, des voies de circulation ou des réseaux relevant du domaine public. Il n’était pas possible de vendre ces terrains. Il a fallu mettre en vigueur un  type de propriété liée uniquement aux bâtiments. C’est ainsi que la plupart des sociétés sont actuellement propriétaires d’un “volume d'air” dans telle ou telle tour...  
 

1958 - Délimitation des 4 zones du périmètre

DELIMITATION OFFICIELLE DU PERIMETRE - SEPTEMBRE 1958


Les quatre zones EPAD


Le territoire de l'EPAD couvrait  une tranche de boucle de la Seine.
Le périmètre est divisé en quatre zones : "A" le quartier d'affaires, "B1" le quartier du Parc, "B2" où furent construites des opérations de relogement et "B3" zone de logements antérieurs.


Fac en béton... armé

La faculté de Paris X fut ouverte peu avant 1968 pour accueillir 15.000 étudiants. Située en zone B2, elle ne doit rien à l'EPAD. Construite sur un ancien terrain militaire, certains affirment que des carcasses de chars allemands sont encore enterrées sous l'un des bâtiments scolaires.

92, un département tout neuf

Le Département des Hauts-de-Seine est une création récente. Une préfecture fut donc nécessaire. Elle fut réalisée en 1971 par A.Wogensky, collaborateur de Le Corbusier sur la zone B1 de Nanterre. A son voisinage, l'Hôtel du Département  a été achevé en 1988. 

Relogements

De nombreuses HLM furent construites, essentiellement sur Nanterre, pour reloger les 9.500 familles locataires de pavillons expropriés. Les artisans et industriels se virent proposer quelques 55 ha de zone industrielle sur Nanterre, Courbevoie et Villeneuve-la-Garenne.
 

1958 - Inauguration du Palais des Expositions (CNIT)


INAUGURATION DU PALAIS DES EXPOSITIONS - SEPTEMBRE 1958

 

Polémique

Pour montrer aux yeux du monde que la France d’après-guerre se redressait, l’Assemblée Constituante proposa le 9 août 1946, d’organiser une Exposition Universelle à La Défense. Devant les difficultés et les urgences de la reconstruction, l’idée se réduisit au projet d’un palais permanent d’exposition qui permettrait de mettre en valeur les réalisations nationales.
 Cependant, les partisans d’une voie triomphale se réveillèrent et combattirent ce palais des expositions. Paul Claudel lui-même réclama un monument aux morts de la guerre de 14/18. Quand au président de l’Académie d’Architecture, il dénigra le futur CNIT et le traita d’“abri pour foires” dans un article du Parisien Libéré...

Première mondiale

Le permis de construire du “Centre National des Industries et des Techniques” fut accordé en 1954. Sans se soucier des polémiques, les parisiens venaient ébahis jusqu’au gi-gantesque chantier pour admirer la  prouesse technique : un voile de béton mince d’une portée record de 218 mètres, supporté seulement par trois points. L’ingénieur Esquillian, les architectes Camelot, de Mailly et Zehrfuss ont réussi une prouesse technique qui conquit le public et devint le symbole du modernisme. 

Le CNIT fut inauguré aux derniers jours de la IVème République. Le premier salon professionnel, Mécanelec, reçut les visites successives du Président Coty et du Général de Gaulle. Le public fut admis l’année suivante aux Floralies internationales : deux millions de visiteurs. Encore un record pour l’époque et une consécration populaire longtemps perpétuée ensuite par le Salon des Arts Ménagers.

Une alliance privé et public

Avec le CNIT débuta l’alliance entre le secteur public et le secteur privé qui est l’une des caractéristiques de La Défense. En effet, le CNIT n’a pas été réalisé par l’Etat comme beaucoup le croient, mais financé par une dizaine de syndicats et de fédérations de construction et d’équipement, sous l’impulsion de la Fédération des Industries de la Mécanique.

Cependant, le choix des architectes et celui de l’implantation se fit en concertation avec le Ministère de la Construction. A la demande du gouvernement, les architectes du CNIT firent également les premiers plans d’aménagement de La Défense.

1965 - Mise en service de la 1ère tour (ESSO)


 MISE EN SERVICE DE LA PREMIÈRE TOUR - AVRIL 1965


Esso, pionnier en tout

D'abord, la tour ESSO fut la première tour tout court. La Compagnie avait acheté un terrain en 1957, avant même que l’EPAD n’existe. Il fallait avoir la foi du charbonnier pour s’expatrier dans un quartier dont l’avenir n’était pas encore vraiment décidé, ou qui allait devenir un chantier interminable. Esso Standard y croyait. La Compagnie voulait regrouper tous ses services éparpillés dans Paris, dans un seul et même immeuble fonctionnel, étudié spécialement pour que ses 1550 employés y travaillent confortablement. Encore une première : les immeubles de bureaux n’existaient qu’en Amérique. A l’époque, la plupart des bureaux parisiens n’étaient que d’anciens appartements “bricolés”. Ici, il y avait tout : un monte-dossier, une grande salle de réunion sonorisée, un des tout premiers self-services pour le personnel, une salle climatisée pour les “calculateurs électroniques” IBM très fragiles de l’époque, une salle de cinéma de 150 places pour visionner les films publicitaires ou faire la formation du personnel, et même un salon de repos et un service médical...

La tour ESSO sera aussi la première des tours de La Défense à être détruite et remplacée...

Les pieds sur terre

Aujourd’hui, la tour ESSO nous paraît toute petite. Mais - l’aviez vous remarqué ? - elle est la seule qui ne soit pas entourée par la grande dalle comme les autres tours. C’est parce qu’elle est également la seule dont l’entrée se trouve au niveau du sol. Ayant acheté son terrain avant l’approbation des premiers plans d'urbanisme, ESSO ne crut pas à la future dalle et refusa de faire grimper ses employés et clients par une entrée perchée au troisième étage ! Précurseur, d’accord... mais avec les pieds sur terre.
Par contre, dans le quartier du Parc, bien des immeubles comme Le Liberté ou le MH7  ont leurs entrées au troisième étage. Mais dans ce quartier,  l’idée de la dalle a été abandonnée...

Mur-rideau

La façade ne porte rien : elle est constituée de ces fameux murs-rideau métalliques tout nouveaux à l’époque. C’est le cœur de béton contenant les batteries d’ascenseurs et tous les réseaux divers (électricité etc) qui tient l’immeuble debout. Il paraissait bien haut à l’époque : ses douze étages dominaient la perspective depuis l’Etoile. Pendant un temps, les parisiens purent lire le nom d’ESSO  écrit en lettres lumineuses : les rideaux occultaient judicieusement les fenêtres des bureaux allumés pour donner la forme des lettres.

La génération Nobel

Puis la vedette lui fut ravie par la tour Nobel (aujourd'hui Roussel-Hoechst). Son noyau central de béton fut édifié en juillet 1965 en un temps stupéfiant pour l’époque : 32 étages en six semaines. C'est une des toutes premières fois que l'on utilisait la technique des coffrages grimpants. Les premiers occupants envahirent les bureaux dès novembre 1966. Toutes les cloisons y sont démontables : aucun fil ou prise ne vient gêner leur déplacement éventuel. Le dernier étage qui possède une superbe vue a une particularité cocasse : pour des raisons réglementaires, la salle à manger panoramique de réceptions a comme voisins... la chaufferie au gaz et un réservoir de 120 m3 d’eau contre l’incendie.

C'est le modèle des tours dites de la première génération.

1967 - Mise en service de la chaufferie Climadef


 

MISE EN SERVICE DE “CLIMADEF” - AVRIL 1967


Tas de charbon

Beaucoup se demandent en passant sur le boulevard circulaire ce que contient cette pyramide tronquée en ardoise, flanquée d’une haute cheminée. C’est la “centrale du confort urbain de La Défense”, plus connue aujourd'hui sous le nom de CLIMADEF. Ce complexe industriel produit de l’eau à 175° destinée au chauffage urbain, de l’eau à 4°5 alimentant le réseau de refroidissement, et du courant électrique. Sa production peut atteindre 280 millions de calories, 80 millions de frigories et 33.000 kWh d'électricité. C'est cette usine qui chauffe tous les bâtiments du quartier d'affaires et du quartier nord du Parc. Elle alimente les systèmes de climatisation des bureaux.
 Son architecture évoque la forme d’un tas de charbon par analogie avec le combustible qu’elle utilise. Ses besoins sont énormes : elle en consomme un train tous les dix jours. Mais rassurez-vous : elle fait partie des usines les moins polluantes de sa catégorie.

Sous la dalle, les entrailles

Sept kilomètres de galeries techniques parcourent les sous-sols. Elles constituent la colonne vertébrale de La Défense. Tout y passe : l'électricité, le téléphone, les eaux usées, le chauffage... L’électricité nécessaire aux tours du quartier d’affaires correspond à la consommation d’une ville comme Rennes ou à la totalité de la production d'une centrale EDF classique...
Abrités et chauffés, des chats  avaient proliféré par centaines dans ces galeries. Devenus sauvages et dangereux, il fallut faire appel à la SPA pour les évacuer et pouvoir entretenir à nouveau ces réseaux.
 

Aurélie, née "défensienne"


Pour faire fonctionner un tel quartier, il a fallu également réaliser de nombreux équipements annexes comme un central téléphonique spécial  de 100.000 lignes, un commissariat de police, un réseau câblé en coaxial, etc.
Les 6 niveaux du “mille-feuille” comprennent aussi quelques 25.000 places de parkings gérées par un PC unique. C'est l'un des parkings souterrains les plus importants du monde.

Quand à Aurélie, elle était trop pressée de connaître La Défense : elle est née dans l'escalier du parking Louis-Blanc en 1974. Elle s'en est bien remise...

1968 - Mise en service de la gare SNCF

 

MISE EN SERVICE DE LA GARE SNCF - JUIN 1968


La conquête de l’ouest   

 

Etrange. L’ouest parisien a connu bien des révolutions ferroviaires. Par exemple, les frères Péreire y ont ouvert une ligne expérimentale de chemin de fer en  août 1837. Elle reliait le quartier Saint-Lazare à Saint-Germain-en-Laye en passant par La Défense. C’était la première ligne de voyageurs à sortir de Paris. C’était également la première ligne en France à fonctionner entièrement avec des locomotives à traction-vapeur. Le succès fut immédiat et malgré les avertissements d’Arago qui prédisait toutes sortes de maladies aux voyageurs, un million d’usagers empruntèrent cette ligne dès la première année. Aujourd’hui, le RER emprunte ce tracé.
A partir de 1872 , un curieux tramway effectuait la liaison Etoile-Courbevoie. La “Bouillotte” n’avait pas de chaudière, mais un réservoir de vapeur. Celle-ci était portée à 200° à chaque station par un générateur de chaleur. Au début du siècle, les premiers tramways électriques à trolley firent leur apparition sur l’avenue de Neuilly. Quand au RER, il a été construit en premier lieu pour relier l’Etoile à La Défense.


Voie dangereuse


Curieusement, le quartier d’affaires à souffert longtemps d’une mauvaise des-serte en transports en commun. Tout à fait au début, les employés d’Esso devaient descendre à même les voies ferrées du train de 8 heures 10 qui s’arrêtait spécialement pour eux devant le CNIT. Puis une gare provisoire desservit La Défense, mais uniquement en période de salons. C’est donc avec un grand soulagement que la gare définitive fut enfin ouverte en 1968 pour les nombreux voyageurs venant de Saint-Lazare, de Versailles ou de Saint-Nom-La Bretèche.


Sur coussin d’air


Flottant sur ses coussins d’air, l’aérotrain devait transporter silencieusement 160 passagers à 200 km/h entre Paris et Cergy-Pontoise en s’arrêtant à La Défense. Cette décision prise en juillet 1971 ne fut jamais suivie d’effet : il était encore trop long à mettre au point. Néanmoins, aujourd’hui cette liaison existe grâce à une interconnexion des voies SNCF et du réseau RER au niveau de la station Nanterre-Préfecture.
Actuellement, bien d'autres projets sont à l'étude dont une gare de TGV et  de nouvelles liaisons entre les grands pôles d'activité de la région Ile de France.



 

1969 - Evacuation des bidonvilles

 

EVACUATION DES BIDONVILLES - AVRIL 1969


Cas par cas


Monsieur Vincent posa son vélo le long de la grille rouillée. Il entra dans le jardinet où un chien s’étranglait dans sa laisse en aboyant vers lui. La porte du pavillon en briques décrépies s’entrouvrit, laissant apparaître une petite femme peu amène. Avant qu’elle n’ouvrit la bouche, il déclara en portant la main à sa casquette : “Bonjour madame. Visite de sécurité de vos installations de gaz.”. Il entra. Ce 12 octobre 1958, monsieur Vincent a eu de la chance : il n’a pas plu. Il était venu à vélo depuis le Ministère de la Reconstruction du Quai de Passy pour continuer l’inventaire maison par maison de la zone nouvellement dévolue à l’EPAD. Après quelques... déconvenues, il s’est souvent transformé en employé du gaz pour réaliser cette enquête sans inquiéter les résidents. 

Négocier un à un l’achat des 415 ha de terrains et de bâtiments expropriés, prendre en considération chaque cas personnel a demandé beaucoup de temps. Mais ce temps était nécessaire pour éviter les déracinements et les traumatismes.

Vagues mais pas vides

 
Cette enquête a confirmé combien cette banlieue populaire était clairsemée et hétéroclite : les modestes pavillons abritaient quelques 25.000 personnes à reloger le mieux possible sur leur commune d’origine autant que possible.
Il y eut près de 500 établissements industriels et des gros artisans, et 570 commerces à réinstaller rapidement.

 
Pour eux, 55 ha de zone industrielle ont été créés à Nanterre (Les Groux, les Guilleret), à Courbevoie  (Solétanche) et à Villeneuve la Garenne.
A l’époque, sur Nanterre, il y avait de nombreux terrains vagues. Vagues, mais pas vides : ils étaient occupés par des sans-abris qui avaient construit des baraquements. La plupart avait récupéré des caisses en bois cubiques de deux mètres de côté, rapportées on ne sait comment de la cité américaine de l’OTAN de Saint-Germain.
Environ 7.000 personnes vivaient dans ces derniers bidonvilles de France. Bien sûr, elles aussi furent relogées. A leur place aujourd’hui s’élèvent la préfecture et le quartier du Parc.  

Lait frais


L’homme à l’épaisse moustache regarda le dossier ouvert que venait de pousser devant lui monsieur Vincent, assis de l’autre côté du bureau. Il leva son regard vers lui et ne prit pas le stylo tendu.
Monsieur Vincent s’étonna :
- Vous ne signez pas ? Pourtant, vous venez de me dire que vous étiez d’accord sur le prix de vente et pour le relo-gement de votre famille!
- Pour ma famille, oui, ça va. Mais pour mes vaches qu’est-ce qu’on fait ?   
- Vos vaches ! quelles vaches ?...  répondit interloqué Monsieur Vincent.
Eh oui.... Le négociateur de l’EPAD venait de découvrir qu’ici, au Rond-point de La Défense, en 1959, au pied du CNIT, huit vaches vivaient dans une étable au  fond d’une cour. Chaque matin cet homme les trayait pour fournir du lait frais à ses clients.
Il est vrai que sa crémerie s’appelait “La Ferme du Rond-point”. Mais d’ici à imaginer cela...


 

1969 - Doublement de la surface des bureaux


 

DOUBLEMENT DE LA SURFACE DES BUREAUX - JUIN 1969


Carcan

“Monsieur le ministre de l'Equipement, aujourd’hui, en 1969, il ne nous est plus possible de répondre aux demandes des sociétés qui désirent construire à La Défense. 

Le plan actuel approuvé il y a cinq ans a été étudié en 1959... Il a figé pour quinze ans un plan masse  comprenant des tours de 24 mètres sur 42 et limitées à 100 mètres de hauteur. Cela restreint les surfaces de bureaux à 28.000 m2. Or nous avons eu des propositions comme celle de l'UAP qui désire regrouper tous ses services en un seul édifice. Ils ont besoin de 70.000 m2 d’un seul tenant. Nous leur avons proposé deux tours distantes de sept  mètres avec un passage aérien, mais ils ne sont pas intéressés : ils veulent un seul immeuble. 

Faute de répondre à ses besoins, une société américaine menace même de s’installer à Londres ou à Bruxelles. Il n’est plus possible de continuer avec le carcan de ce plan qui n’a pas prévu l’évolution des besoins et des techniques de construction. Le règlement de sécurité incendie concernant les immeubles de grande hauteur est sorti récemment.
Nous avons étudié les conséquences d’un passage de 860.000 m2 à 1,5 millions de m2 de surface : la densité sera de 2,4 alors que nous avons droit à une densité de 3. D’autre part, l’occupation au sol ne sera que de 5%...  
Vous voyez Monsieur le Ministre : rien ne s’oppose à ce que Paris puisse enfin disposer de bureaux d’échelle internationale avec des tours qui dépasseront les 200 mètres.” 

On peut imaginer que Jean Millier a tenu à peu près ce langage pour défendre auprès de Monsieur Chalandon l’augmentation des surfaces et la hauteur des tours. Ce doublement du programme fut accordé par le gouvernement.
 

Deuxième génération

En 1968/70, la construction des bureaux battait son plein. Pour éviter que lui échappent des programmes qui l'aideraient à rentabiliser l'opération, l'EPAD lança des immeubles plus ambitieux. Comme les promoteurs achetaient un droit de construire au mètre carré construit (et non un terrain), l’augmentation des ventes permit à l’EPAD d’améliorer les équipements, de commander des œuvres d’art, de payer des animations, de réaliser des plantations.

C’est ainsi que naquirent les tours UAP, GAN, FIAT (44 étages), et plusieurs tours dites de la deuxième génération. Elle furent conçues autour d’un “noyau technique” en béton contenant les ascenseurs et tous les réseaux. Elles disposaient de grands “plateaux paysagers” avec air conditionné et lumière artificielle étudiée, très en vogue outre-atlantique.

- Lire les pages suivantes -

1970 - Ouverture du RER Étoile-Défense


 OUVERTURE DU RER “ETOILE-DEFENSE” - FEVRIER 1970


Au diable vauvert...


Il faut bien l’avouer : en 1965, aller à La Défense était une véritable expédition. Les pionniers de la tour Esso s’en souviennent encore : le métro vous laissait au bout du Pont de Neuilly qu’il fallait traverser à pied sous le vent ou la pluie, puis prendre un sentier parfois boueux qui sinuait dans un dédale de chantiers clos de palissades.
Le premier tronçon ne reliait La Défense qu’à la station Etoile du métro parisien, mais l’ouverture du RER fut un grand soulagement. Il fallut neuf ans pour réaliser ces sept km. Neuf années qui retardèrent la commercialisation des tours. Mais dès l’ouverture du RER, les demandes affluèrent tellement qu’elles provoquèrent la création des tours dites de la deuxième génération, beaucoup plus hautes que les premières.


Un chantier titanesque

Bien peu des 100.000 utilisateurs quotidiens du RER passant par La Défense se doutent qu’ils roulent  un instant sous la Seine. Qu’ils soient rassurés : les voûtes du tunnel sont capables de supporter près d’une demi-tonne par cm2... Ce passage sous le fleuve fut l’une des innombrables difficultés rencontrées lors du creusement de ce premier tronçon par une machine ultra-moderne, un “bouclier” de dix mètres de diamètre. La coûteuse machine ne put venir à bout d’un banc de sable et fut abandonnée ensablée à 30 mètres sous terre.

Les travaux furent décidés en 1961 et la station «La Défense» fut inaugurée en février 1970. Construite sur cinq niveaux, la station “La Défense” du RER possède une salle de correspondance qui est un véritable monument : longue de 225 mètres, elle est  large de 65  et haute de 27 mètres. Elle dispose d'un petit centre commercial qui fut le bienvenu pour les habitants pionniers de cette époque.

Cette salle distribue aujourd’hui une gare routière de 18 lignes de bus, quatre lignes SNCF, le RER, et le terminus de la ligne n° 1 du métro parisien.  Nous sommes bien loin des débuts... La Défense est devenue le quartier d'affaires le mieux desservi d’Europe.

Nom de nom !!...

“Allô, l’EPAD ? Passez-moi le directeur des Services Techniques s’il vous plaît. Allô, bonjour monsieur. Je suis le peintre en lettres. Voila : je suis en train de faire vos pancartes ; vous savez, celles du chantier du métro express. Eh bien, il fallait que je vous dise... Il me pose un problème le nom de votre métro. Surtout que vous m’avez demandé de mettre les initiales en grosses capitales. Vous voyez ce que les initiales de “Métro Express Régional Défense-Etoile” donnent vues de loin ?... Ah bon ! vous aussi vous trouvez qu’il faut changer ça...” Sans doute trop pris par son travail, aucun administrateur ou ingénieur ne s’était encore aperçu de l’incongruité de l’abréviation....  C’est à ce peintre en lettres que l’on doit de dire tout simplement aujourd’hui : “je vais prendre le... R.E.R.”.

1971 - Bouclage du boulevard circulaire


 

BOUCLAGE DU BOULEVARD CIRCULAIRE - SEPTEMBRE 1971


Plus que l’autoroute A6


“Les ingénieurs des Ponts et Chaussées se sont emparés du réseau routier et ont transformé chaque portion de route, chaque échangeur en un petit chef d'œuvre technique” reconnaît l’architecte Bernard Zehrfuss, l'un des créateurs du CNIT et auteur - dès 1950 -  des premiers plans du quartier.
Avec un flot moyen de 60.000 véhicules par jour à l’époque, le débouché du Pont de Neuilly était l’un des axes les plus chargés de Paris. Plus que l’autoroute de l’Ouest ou du Sud... Il était donc essentiel de bien traiter tous les aspects routiers, surtout sur un terrain aussi occupé et précieux.
C’est ainsi que 22 km de routes et d’autoroutes furent créées sur le périmètre de l’EPAD,  dont le plus grand échangeur souterrain à trois niveaux du monde.

La rose écrase un bistrot


Une première étude élaborée en août 1959 sacrifiait la grande voie triomphale axiale et créait le principe du Boulevard Circulaire. Celui-ci n’a jamais été conçu que pour desservir le quartier lui-même. Les autoroutes souterraines se sont fait bien attendre, mais dés leur ouverture partielle à la fin de 1988, le trafic du Circulaire baissera sensiblement.
Le Circulaire a avancé lentement, sinuant entre les obstacles non encore arasés, prenant ensuite l’emplacement prévu par le plan.
Certains obstacles eurent la vie dure, comme le bistrot de cet immeuble encerclé par l’échangeur dit  de “la Rose de Cherbourg”. Il résista d’autant plus qu’il faisait des affaires d’or avec tous les ouvriers du Circulaire. Il fallut modifier  la forme de l’anneau routier pour pouvoir le contourner...  
Encerclé par l’armée des autos, il finit par se rendre.

Pont en panne de batterie

“Bon sang ! Voilà neuf mois que l’on prépare cette passerelle de 45 mètres, qu’on l’assemble morceau par morceau ici à Nanterre, qu’on lui met 48 roues et 12 moteurs pour qu’elle aide le camion tracteur et vlan : c’est la nuit de son installation que sa batterie nous lâche ! Je vais chercher celle de ma R8. Mais je ne suis pas sûr qu’elle soit assez puissante...”
Et si. La batterie de Gérard Martin, ingénieur à l'EPAD, mit fin à cette panne idiote. Pensez donc : pour soulever ce pont de 100 tonnes, une des plus grosses grues de France avait été louée une fortune pour cette nuit là.
 Chacune de ses chenilles avait nécessité un convoi exceptionnel ; c’est dire sa taille. Heureusement, les onze autres passerelles furent moins difficiles à installer.

 

1972 - Inauguration de l'Oiseau Mécanique


 

INAUGURATION DE “L'OISEAU MECANIQUE”  - MAI 1972


Musée vivant

Avec ses galeries d’art, son parc de sculptures, son environnement architectural, La Défense n’est plus seulement un quartier d’affaires : elle s’affirme aussi comme lieu culturel et témoignage complet de notre époque. Le Fonds National d'Art Contemporain  s'y  est implanté.  D'autres  projets sont  envisagés.  
En 1974, André Malraux souhaitait y voir s’installer un Musée d’Art Moderne, conçu par Le Corbusier. Il a finalement été installé au Centre Pompidou. Mais depuis, La Défense est devenue un véritable musée vivant de l'Art contemporain.

Bonbon ?

Calder entre dans le bureau de Michel Moritz qui est chargé de l’implantation des œuvres d'art à l'EPAD. Sur une table trône la maquette de la future sculpture de Joan Miró. Calder s’en approche, se penche sur elle, fronce ses sourcils blancs en bataille et demande avec un petit sourire dans les yeux : “Ça se lèche ?”.

Il est vrai que ces deux “personnages” en plastique multicolore  édifiés devant les 4 Temps ont soulevé quelques critiques : forme “informelle” dans un univers rectiligne et rigide, cette sculpture est-elle un clin d’œil de Miró ou une provocation ? Peu importe, elle fait partie du paysage et devient un repère, un point de rendez-vous. Plus tard, nous saurons s’il s’agit d’une œuvre marquante dans la vie de l’artiste ou non.

C’est ainsi : passer commande à un artiste de renom comporte des risques qu’un mécène doit assumer. C’est ce que fait l’EPAD depuis 1974.

Le courage d’oser

Assez rapidement, il est apparu que le “silence vertigineux” de la grande dalle devait être occupé par une présence artistique monumentale. Dans un premier temps, l’EPAD encourage les promoteurs privés à décorer non seulement leurs halls d’entrée, mais aussi leur environnement immédiat. Esso -qui joue encore les pionniers- fait graver un mur en béton par Vincent Guiro en 1971. “L'Oiseau mécanique” en acier inoxydable de Philolaos inaugure en 1972 la série des œuvres commandées directement par l’EPAD.

Jean Millier  (devenu ensuite directeur du Centre Pompidou) commanda même une fontaine à Agam en 1975, la période la plus déficitaire. Un luxe ? Un gadget ? La cour des comptes n’a pas apprécié : un échangeur ou un parking aurait  été plus sérieux. Non. Pour l’ancien Président Directeur Général, une “œuvre” d’art était aussi importante qu’un “ouvrage” d’art...

Souvent visibles de loin, parfois découvertes au détour d’un cheminement ou réservées à  ceux dont le regard plon-ge depuis une tour, une soixantaine d’œu-vres majeures parsème aujourd’hui La Défense et d'autres sont en commande ou en projet.

C’est un véritable Parc de sculptures qui s’est constitué grâce à la constance de cette politique.

1972 - Premier concours Tête Défense


LANCEMENT DU 1ER CONCOURS TETE DEFENSE - OCTOBRE 1972


Voir ou être vu ?

Déjà, en 1770, l’ingénieur Perronet proposa au roi Louis XV d’établir un grand carrefour circulaire sur la butte de Chantecoq (le Rond-point de La Défense) avec en son centre un obélisque de 39 mètres qui permettrait de voir les Tuileries une fois que la butte de l’Etoile serait arasée...
Depuis longtemps, cette butte de La Défense fut convoitée pour y établir des monuments. Au XXème siècle, le projet d’une gigantesque statue de la Victoire marqua en 1931 le début d’une course vers la hauteur. A partir de 1960, il fut longtemps question de la tour lumineuse cybernétique de 300 mètres de Nicolas Schaëffer. Il y eut aussi le projet de la tour Polak  haute de 725 mètres...
Ces projets là étaient indiscutablement destinés à être vus depuis tout Paris.
 

Ouvrir ou fermer  ?

En attendant, de part et d’autre de l’esplanade, les tours se rangent le long du vide intact de la grande perspective. Comment la terminer ? C’est à l’EPAD que revient ce redoutable privilège. Il organise donc une vaste consultation d’architectes en 1972. Après bien des discussions et contre-propositions, deux projets sont retenus : celui de l’architecte américain Peï dont la tour se creuse en V pour  laisser passer le regard et les deux immeubles miroir d’Emile Aillaud qui ferment la perspective comme une coquille.
Au conseil d’administration de l’EPAD, le projet d’Aillaud est choisi par sept voix contre six. Bien qu’officiellement retenus par l’Etat le 10 juillet 1973, ces immeubles courbes qui provoquèrent bien des polémiques ne se firent pas. La “querelle des tours”, la crise économique et la mévente des bureaux eurent raison d’eux.

Bureaux ou monument ?

Avec la reprise de 1978, une nouvelle consultation est lancée. Le programme prévoit 100.000 m2 de bureaux bas dont la moitié pour un ministère à déterminer. Choisis par le Président Giscard d'Estaing en janvier 1981, les immeubles-cristaux de Jean Willerval ne seront pas mis en chantier non plus : le Président Mitterrand, qui vient d’être élu, désire que cet emplacement soit destiné à une composition monumentale significative et non allouée à de simples bureaux privés...
Un nouveau concours est lancé en 1983. Le dernier. Il détermine enfin un projet vraiment définitif, celui de l’actuelle Grande Arche.
 

1972 - Début de la campagne contre les tours


DEBUT DE LA CAMPAGNE CONTRE LES TOURS - JUILLET 1972


A la lance thermique

“En défilant de l'Arc de Triomphe à la place de la Concorde, les militaires descendront les Champs-Elysées dans le bon sens. Mais c’est dans l’autre sens, vers l’Arc, que se tourneront les regards des parisiens : pour s’étonner de ce squelette de béton qui s’élève.” Cet extrait du Monde du 14 juillet 1972 fait partie d’un grand concert de critiques donné par la presse cet été là.  

En effet, le noyau technique de la tour GAN griffait le ciel presque dans l’axe tabou qui n’était plus vierge. Pourtant, la Commission des sites avait donné son accord. Mais voilà, les tours étaient devenues un sujet de polémique qui allait alimenter l’été vide des journaux. Valéry Giscard d’Estaing, alors Ministre des Finances, enfourcha ce cheval de bataille et réclama au Premier Ministre Pierre Messmer que l’on étête cette tour, pour qu’elle ne dépasse pas 100 mètres comme les autres. Obéissant, l’EPAD fit étudier une solution de découpe du béton par un tout nouveau système : la lance thermique.  

Le président Georges Pompidou décida finalement que l’on ne raccourcirait pas les tours de bureaux. Par contre, le projet Tête Défense d’Emile Aillaud qui devait fermer la perspective et  certaines de ses tours du Parc firent les frais de l’opération.

Pics et gouffre

Ces tours de grande hauteur arrivèrent au plus mauvais moment. Chagrinés par la disparition des Halles, outrés par le scandale de la Villette, froissés par les tours du Front de Seine et du quartier Italie, les parisiens étaient devenus sensibles aux excès de l’immobilier.

Mais de plus, en 1972, la construction des bureaux était devenue pléthorique : de bons rendements financiers avaient provoqué une surproduction en région parisienne. 

La tour Manhattan resta désespérément vide pendant des mois et fut presque bradée à des investisseurs koweitiens. L’EPAD traversa avec La Défense sa période noire. L’EPAD ne vendit presque plus rien de 1973 à 1978. L’endettement grandissait : 500 millions de francs en 1975, 678 en 1977.
Alors, fallait-il construire des tours de grande hauteur à La Défense ?

Bourgeon de Paris

Jean Millier a eu raison de demander en 1969  le doublement du programme qui autorisa la construction des grandes tours surgies  en 1972. Mais il a eu raison trop tôt : la pénurie suivit la pléthore. La Défense redémarra fort vers 1979 après une relance voulue par le Premier Ministre Raymond Barre. Depuis, il a fallu passer des 1,5 million de m2 demandés par Jean Millier à plus de 2,5 millions pour satisfaire les demandes.

... Mais, critiquées ou pas, toutes ces tours regroupées à La Défense, où auraient-elles trouvé place ? Dans un Paris engorgé et défiguré ? L’architecte Jean-Claude Bernard, Premier Grand Prix de Rome, écrivit à l’époque : “La Défense doit se voir de Paris, sans contrainte, libre, comme une énorme turgescence, montrant à tous les parisiens vivant dans un musée que Paris est encore vivant et porte ses bourgeons”.


 

1972 - Plantation du premier platane

 
PLANTATION DU PREMIER PLATANE  -  NOVEMBRE 1972

De Le Nôtre à Peï

Colbert demanda au grand paysagiste Le Nôtre de planter une double rangée d’ormes dans l’axe du jardin des Tuileries vers les Champs-Elysées. Ainsi débuta par un décret d’août 1667 ce qui allait devenir l’une des plus belles perspectives du monde. Deux siècles plus tard, le Ministre Pierre Poujade plantait à La Défense le premier platane. Il poursuivait ainsi sur le parvis ce grand axe parisien. Mais avant d’en arriver à planter cette double rangée typique des jardins à la française, des aménagements paysagers “à l’anglaise” étaient prévus. Lorsqu’il vit les projets, le célèbre architecte américain Peï (la pyramide du Louvre) fit remarquer qu’il était dommage de sacrifier ainsi une tradition de l’urbanisme parisien sur l’autel de la mode. C’est ainsi que l’on revint à cette double rangée d’arbres qui paraissait trop simple au départ...

Jardins suspendus

Faire pénétrer la nature partout a toujours été une priorité de l’EPAD. Le résultat peut s’admirer aujourd’hui. Mais planter et faire vivre une telle surface de gazon et autant de plantations sur une dalle de béton paraissait une gageure à l’époque. Cette réussite est le fruit d’études et de recherches spécifiques menées spécialement pour La Défense. Aujourd’hui, de nombreuses délégations étrangères viennent voir et surtout demander les “secrets de fabrication” de l’EPAD qui a acquis tout un savoir-faire original dans ce domaine.

Plus vite que la nature

Le Ministre redonna la pelle à l’ouvrier qui continua de combler le trou autour du platane fraîchement inauguré. “Vous croyez qu’il tiendra longtemps ?” demanda-t-il discrètement à son entourage après avoir regagné sa place. 99 autres platanes furent ensuite plantés.

Un an plus tard, 400 autres prirent place à côté de leurs anciens congénères. Surprise ! les platanes plantés dans la terre artificielle de la dalle étaient nettement plus gros que ceux qui venaient d’être déterrés... La savante composition du terreau de l’esplanade avait fait des miracles inattendus et donnait une réponse positive au Ministre. Il a fallu attendre quatre années pour que cette différence ne soit plus visible.

_________________________________________________________

English version

PLANTING OF THE FIRST PLANE-TREE - NOVEMBER 1972

From Le Nôtre to Peï

 Colbert asked the great landscape gardener Le Nôtre to plant a double line of elms on the Tuileries Gardens axis, towards the Champs-Elysées. So it is a Royal Order, in August 1667, which started what was to become one of the most beautiful perspectives in the world.

Two centuries later, the Minister Pierre Poujade planted the first plane-tree in La Défense, thus continuing this large Parisian axis. But before the planting of this double row typical of the gardens “à la française”, open plan arrangements “à l’anglaise” had been scheduled. When he saw the projects, the famous American architect Peï (designer of the Pyramide du Louvre) observed it was a pity to sacrify a tradition of Paris town-planning on the altar of fashion. That is how this double row of trees, which had seemed too simple at the beginning, was reconsidered.

Hanging gardens

EPAD has always given priority to the presence of nature. The result can be admired today. But at that time it was a difficult undertaking to plant and to keep alive so large a lawn and so many trees on a concrete pavement. This success is the fruit of specific studies and researches, especially done for La Défense. Today many foreign delegations come and see, and overall ask for the “trade secrets” of EPAD, which acquired special know-how in that field.

Faster than nature

The Minister handed back the shovel to the workman who went on filling in the hole around the plane-tree just planted. “Do you think it will hold out long?” the Minister discreetly asked his attendants after he had reached his place again. 99 more trees were planted.

One year later, 400 other planes took place beside their congeners. What a surprise! The trees planted in the pavement artificial soil were markedly higher than those recently uprooted... The elaborated composition of the Esplanade compost had worked unexpected miracles. A satisfying answer was thus given to the Minister. It would take four years for the difference to disappear.

-------------- 

Illustrations

  1.  Pierre Poujade, the Minister of Environment, is planting the first plane-tree.
  2. The rows of plane-trees in 1988. They are in line with those planted by Lenôtre in 1667.
  3. Turf is tested in different artificial grounds on the Parvis.

1977 - Premier Festival de Jazz à La Défense

 


PREMIER FESTIVAL DE JAZZ A LA DEFENSE - JUIN 1977


Bronzer jazz


1977, c'est loin...  Pourtant, le premier festival de jazz de La Défense semble encore si proche à Françoise Launier. Responsable des animations à l’EPAD, elle organise ce concours depuis  le début avec l’équipe d’ECA2.

A l’époque, c’était un peu folklorique et décontracté. Il n’y avait pas la sono sophistiquée d’aujourd’hui et ce grand podium coloré de 200 m2. Mais depuis le début, il y a ce public qui grossit chaque année. Des fervents.  Ils tiennent bon au milieu des rafales qui arrachent les partitions des musiciens et ils restent, même si la couleur de leur visage atteste un début de coup de soleil.

Et il y a les badauds. Ils viennent pour une heure ou deux entourer les fidèles vissés à leurs sièges. Certains sont attentifs, debouts, comme figés, leurs attachés-cases encore à la main. D’autres sont en jean, couchés plus loin dans le gazon, les yeux au ciel. Le parvis vit.

Musique diluvienne


Le Concours National de Jazz est devenu une manifestation qui compte en France, en grande partie grâce à André Francis qui accepta volontiers d’aider le concours avec Radio France. Depuis 1977, plus de 1500 jazzmen amateurs ou célèbres sont passés sur le podium. “Grâce au Concours de Jazz, j’ai découvert au moins un nouveau musicien de premier plan chaque année et je me suis profondément attaché à ce concours et à mes copains du jury” a déclaré Jeff Gilson. Le premier lauréat fut Jean-Loup Longnon ; il a fait du chemin depuis.

Le jury  a vécu des moments épiques. Alain Guérini se rappelle encore avec un sourire des pluies torrentielles de 1978 : “Le jury, blotti sous la bâche d’un bistrot, put écouter un “Cry me a river” de circonstance chanté par Evelyne Voillaume engoncée jusqu’aux oreilles dans un anorak d’une élégance fort insolite pour un mois de juin”.

1977 - Livraison de la première tour Aillaud



 LIVRAISON DE LA PREMIERE TOUR AILLAUD - DECEMBRE 1977


Les Tours Shadok

“Et comment faites vous pour vous meubler ?” demande-t-on souvent aux occupants des tours Aillaud en lisière du Parc. Avec leurs murs aux courbures aiguës, leurs fenêtres rondes, carrées ou en goutte d’eau, leurs taches de couleurs, ces minces tours de 100 mètres continuent encore d’intriguer les visiteurs.

Au début, les habitants les appelaient les tours Shadok, du nom des héros un peu fous d’un dessin animé quotidien de la télé. Aujourd’hui, les habitants du quartier du Parc et les occupants se sont habitués aux formes étranges, bien que les tiges-végétales vertes soient moins appréciées que les tours-nuages bleues.
 Les chambres sont jugées petites, mais suffisantes pour dormir. Par contre, les vastes séjours sont appréciés avec leur coin-repas qui assure une transition avec la cuisine. Il n’y a que huit appartements par étage, ce qui a évité les sinistres longs couloirs. Oh certes, les vitrages basculants n’ont pas de montant et dégagent la vue. Mais il faut s’y habituer : au début on s’y cogne souvent. Et de temps en temps une vitre se défait et tombe. Il n’y a pas eu de victime et maintenant, ce problème est réglé.

Contents les locataires de ces HLM ? Dans l’ensemble, oui.

Chacun son arbre

L’avantage des tours minces, c’est qu’elles occupent peu de place au sol, et le sol, Emile Aillaud l’a modelé. Il a créé des buttes en pavés que l’on peut escalader, des rampes lisses pour les patins à roulettes, des escaliers de géant, un peu de gazon ombragé pour s’y étendre, une mer de sable d’où émerge un serpent gigantesque aux écailles de céramique.

Et de partout surgissent des arbres... Chacun des 3.000 arbres porte une plaque avec un numéro, le numéro d’un des 3.000 appartements. Chaque famille a son arbre qu’elle peut entretenir et protéger. Mais cela se sait-il encore ?

1978 - Inauguration du parc André Malraux


 INAUGURATION DU PARC ANDRE MALRAUX - SEPTEMBRE 1978


Ça s’arrose !


Seule sur l’estrade, Claude Bessy continuait à danser, imperturbable. Les pointes étaient particulièrement dangereuses et elle veillait à ne pas glisser. Sa coiffure s’était défaite et une mèche ruisselante lui gênait la vue. Les haut-parleurs firent enfin entendre les dernières mesures du ballet. Elle s’inclina gracieusement pour saluer. La pluie redoubla, formant une couche irrisée sur son dos penché. Des applaudissements lointains et clairsemés lui parvinrent : tous les invités s’étaient abrités au loin comme ils pouvaient pour éviter cette pluie diluvienne qui venait gâcher l’inauguration.

Auparavant, ils avaient visité le parc. Ils étaient aussi venus pour ça. Mais lorsqu’ils arrivèrent devant le buffet, ils découvrirent qu’une autre tornade était passée avant eux pendant qu’ils écoutaient les discours. Les étudiants de l’Ecole d’Architecture voisine avaient découvert ce buffet bien tentant et sans surveillance. Ils avaient été très heureux d’améliorer leur ordinaire...

4 millions de m3


4 millions de m3, c’est le volume des déblais que l’on a retiré des chantiers du quartier d’affaires. Ce volume énorme a servi en grande partie à modeler le Parc André Malraux à Nanterre. L’urbaniste-paysagiste Jacques Sgard disposait de toute cette terre et d'un terrain de 24 ha pour réaliser ce parc départemental. Il a conçu le premier parc réalisé en Ile-de-France depuis le second empire. Ce type de parc est rarement entrepris, car  il  est très coûteux. Or l'EPAD finança le parc André Malraux au moment où sa trésorerie était au plus mal. Malgré tout, il fut achevé et le bassin mis en eau. Malheureusement, un matin, celui-ci  fut découvert vide : les carrières souterraines n'avaient pas supporté ces tonnes d'eau et un trou avait englouti pour 100.000 francs d'eau.

Cols-verts et mouettes


Dans ce parc, le paysagiste a créé toutes sortes d'ambiances : des plaines de jeux pour le ballon, des zones calmes et ombragées de mélèzes, des collines ménageant des points de vue, un merveilleux jardin botanique presque méconnu tellement il est isolé du monde, un plan d'eau dont les contours allongent savamment la promenade.
Aujourd'hui,  des familles de canards cols-verts traversent tranquillement les allées devant les promeneurs un peu surpris, et des mouettes se reposent cachées au milieu des joncs des îles...

1978 - La relance de l'opération


 LA RELANCE DE L’OPERATION - OCTOBRE 1978


Tenir coûte que coûte

“L’Etat ne peut pas abandonner La Défense” s’est exclamé un jour Pierre-Louis Fillipi. Impensable en effet. Directeur-Général de l’EPAD depuis mars 1977, il attend cette reprise qui ne vient pas. Il y a encore trop de bureaux à résorber un peu partout en région parisienne, mais comme son prédécesseur, le Directeur-Général est persuadé que cette crise est provisoire.

En attendant, il faut tenir, mais ce n'est pas facile : plus un seul droit à construire n’a été vendu depuis trois ans, les effectifs ont été sérieusement réduits, le Centre commercial des 4 Temps est en panne de grand magasin...  Bref, si La Défense ne redémarre pas rapidement, il sera impossible de rembourser les 680 millions de dettes. Il faut que l’Etat fasse quelque chose pour aider La Défense à passer ce cap difficile.
 

Train de mesures

Après tant d’investissements, avec autant d’atouts, l’Etat ne doit pas laisser La Défense péricliter.

Le Premier Ministre Raymond Barre réunit un Comité Interministériel le 16 octobre 1978 et détermine une série de mesures de relance. 350.000 m2 supplémentaires de bureaux sont autorisés, le parc André Malraux sera achevé, le chantier de l’autoroute sous dalle sera continué, des crédits pour améliorer l’environnement sont débloqués, le Ministère de l'Equipement et du Logement  ira s’installer dans un immeuble à construire (le futur projet Tête Défense de l'architecte Jean Willerval), etc...

Ce train de mesures arrive au bon moment. Il confirme aux investisseurs que l’Etat ne laisse pas tomber l’opération. Dans une conjoncture qui commence à sortir du marasme, cela suffit à réamorcer la commercialisation. Dix jours après cette annonce, la Citibank annonce qu’elle va construire un immeuble au-dessus du Centre Commercial des 4 Temps.

Locomotive

Dès 1977, Christian Pellerin a parié  lui aussi sur une reprise de l'immobilier de bureau. A la tête de la SARI, cet entrepreneur de 34 ans a pris des options sur plusieurs tours.

Mais surtout, il a pris conscience d’un changement dans les besoins des sociétés : des immeubles à échelle plus humaine, des bureaux individuels, des fenêtres qui s’ouvrent, des coûts de gestion moins forts... C’est la naissance des tours dites de la troisième génération.

Christian Pellerin a su prendre des risques et anticiper la reprise. Il est devenu un constructeur important qui a marqué La Défense de ses immeubles.

 

1981 - Inauguration du Centre des Quatre Temps


 INAUGURATION DU CENTRE DES 4 TEMPS - FEVRIER 1981


Printemps sans caddie

Madame, le caddie que vous poussez devant vous dans les rayons d'Auchan a coûté une fortune. Non pas le chariot lui-même, mais les modifications apportées au Centre Commercial des 4 Temps pour pouvoir le faire rouler. En effet, c'est le magasin du Printemps qui devait s'installer à cet emplacement. Les études et les travaux étaient très avancés, mais la direction changea de politique commerciale et décida de ne plus venir s'y installer.

Pour accueillir ce magasin de grande consommation, il fallut percer les dalles pour faire passer des monte-charge à caddies jusqu'aux parkings. Il fallut trouver des endroits pour installer des rampes roulantes à caddies, etc...  Le tout fort coûteux. Mais que n'aurait-on fait pour faire venir un hypermarché à un moment où beaucoup faisaient la fine bouche.

A l'origine, ce centre n'était pas fait pour le commerce de grande consommation, mais pour des boutiques de luxe.  Un hôtel quatre étoiles devait surplomber la galerie marchande et une vraie patinoire. L'hôtel ne se fit pas. La patinoire si. Elle fonctionna quelque temps avec des patins à roulettes. Cette patinoire attirait trop de jeunes désœuvrés marginaux. Elle fut remplacée par un espace d'exposition.

Face à l'Arc

Des boutiques devaient animer les flancs du Parvis, mais les centres commerciaux comme Parly II commençaient à prouver qu'ils marchaient aussi bien  en France qu'aux Etats-Unis. En 1970 Jean Millier, Président Directeur Général de l'EPAD à l'époque, demanda à l'architecte Peï d'étudier un projet de centre commercial de 200.000 m2, le double de celui d'aujourd'hui.  Peï proposa de l'implanter  sous un immeuble monumental, face aux Champs-Elysées et non sur le côté comme on le lui avait demandé. Il fut le premier qui osa violer cet axe en proposant un monument face à l'Arc de Triomphe et franchissant les rails de chemin de fer.  Il a inventé le site "Tête Défense".

Peï éliminé, c'est Emile Aillaud qui  poursuivit l'étude du plan masse des 4 Temps en même temps que son projet pour la Tête Défense.

Aillaud éliminé, les 4 Temps resteront le seul  résultat visible des grands projets Tête Défense de cette époque...

Première financière

Décider de réaliser le plus grand centre commercial d'Europe est une chose. Mais il fallait aussi convaincre les investisseurs de financer l'opération.

 Pour cela, Jean Millier réussit à obtenir du ministère des Finances (non sans difficulté) que l'EPAD  devienne actionnaire et cofinance les 4 Temps à raison du quart de son coût. C'est une première pour un établissement public.

Aujourd'hui, les 4 Temps sont devenus un pôle d'animation essentiel de La Défense, dont l'influence dépasse largement les quartiers avoisinants.

- Lire les pages suivantes